[CRITIQUE] Dark Star – Le gardien de la Carpenterie

Quand on pense aux films réalisés par John Carpenter, le premier qui nous vient en tête est souvent Halloween, cet homme marchant éternellement vers une destination où chaque personne croisant son chemin se retrouve arrachée de sa vie par un grand couteau de boucher. Ses yeux diaboliques et son visage, caché sous un masque en latex, représentent parfaitement la mort qui marche. Il y a aussi The Thing, film à huis clos glacial où la terreur mystique lovecraftienne et la folie macabre se croisent pour former un tout. Ce n’est pas dans ces lignes que vous aurez un avis sur ces films. Ici, je m’intéresse aux prémices de ce qu’est John Carpenter : Dark Star.

Dark Star est le nom donné à un vaisseau spatial ayant un seul but : détruire les planètes encombrantes de notre système solaire. 20 ans, c’est le nombre d’années durant lesquelles le lieutenant Doolittle, le sergent Pinback et les deux astronautes Boiler et Talby exercent ce métier d’abolition planétaire. Vingt années d’ennui, voguant aux confins de l’espace, où chaque tâche est répétitive. L’arrivée d’une tempête électromagnétique vient briser cette lassitude, elle cause un dérèglement du système d’armement. La vingtième bombe, s’apprêtant à exploser une énième planète va mettre en danger tout l’équipage.

© Splendor Films

Réalisé pour un budget de départ allant jusqu’à 6 000 $ (anecdote qui fera plaisir à tous les férus de statistiques), c’est dans les années 70 que Carpenter commence à tourner son film. Composé des acteurs et de l’équipe de tournage, tous bénévoles, on constate au premier regard que le film est produit avec les moyens du bord. Tout est recyclé, tiges métalliques et demi-bouts de polystyrène pour façonner un semblant de cockpit. Avec l’aide de Dan O’Bannon, Carpenter donne vie à son vaisseau et à son histoire loufoque. Pour la première fois, le duo crée une histoire où la dérision est mise en avant. Un équipage vu par les Terriens comme des dieux sauvant l’humanité. Ici dorment les prémices de ce que va être le mélange parfait du réalisateur, un soupçon de comique saupoudré d’horreur, une exploration dans les tréfonds de l’humanité et de ce que l’homme peut faire de pire (comme du meilleur). La tristesse des moments solitaires des personnages contraste avec ce que doit faire un équipage, rester soudé.

Un scénario assez bancal qui peine à avancer et qui donne rapidement un sentiment d’ennui partagé avec les personnages du film. Une histoire qui a été rallongée alors qu’au départ, c’était un court-métrage. Des moments qui sont souvent pris difficilement au sérieux, comme par exemple cet extraterrestre représenté par un subtil ballon de plage gonflé à l’hélium. Cependant, ce qui fait le charme de Dark Star, par-dessus tout, c’est le travail collectif, un film transpirant la passion pour la science-fiction. Certains penseraient voir le film comme une parodie vulgaire de 2001 : L’Odyssée de l’espace, voyant des parallèles entre la relation de HAL et de Bowman. Mais c’est bien plus que ça, derrière la parodie potache se cache un réel sens de la dramaturgie et du spleen, une comédie noire explorant différents thèmes, allant de la place de l’homme dans l’espace jusqu’à un sens poétique de la mélancolie et de la solitude.

© Splendor Films

Une bande de hippies fans de surf voguant dans l’espace au lieu d’une équipe surentraînée, voilà ce qu’est Dark Star. Un film absurde qui enchaine les gags visuels, que ça soit une créature gonflée à l’hélium comme dit plus haut, celle-ci essayant de tuer un membre de l’équipage en le chatouillant alors qu’il est à deux doigts de tomber tout en s’accrochant coûte que coûte à une corniche de la cage d’ascenseur. Ou encore un surfeur naviguant dans l’infinité de l’espace accompagné de son walkman et de sa musique disco. Un certain grand frère de Star Lord.

Dark Star est sans doute le fer de lance de certaines idées qui seront reprises par O’ Bannon, lui-même travaillant sur le scénario d’Alien au côté de Ridley Scott. Il implantera l’idée d’un monstre venu du fin fond de l’espace bloqué dans un vaisseau traquant dans des couloirs étroits une grande partie de l’équipage. Le film n’est peut-être pas une œuvre majeure de Carpenter, mais celui-ci fait figure de proue dans sa filmographie. Des thèmes communs qui deviendront un chemin prédominant dans la folie et de la complexité de ses prochains personnages. N’oublions pas qu’il réalise ce film avec les moyens du bord et livre un produit final mémorable non sans défaut, mais rempli d’amour pour la création d’un univers palpable. Un film qui ravivera le cœur des fans de série B et ceux voulant découvrir ce grand maitre qu’est John Carpenter.

Dark Star de John Carpenter, 1h25, avec Brian Narelle, Cal Kuniholm, Dre Pahich – De retour au cinéma le 12 avril 2023.

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