[CRITIQUE] Aquaman et le Royaume Perdu – La Dernière Noyade

Il est là, le dernier segment de l’univers cinématographique DC avant la refonte. Le tout dernier bout de la saga dérivée de Man of Steel, puis Justice League, sous la tutelle de Zack Snyder, puis d’un autre. Partie pour être une alternative aux bouffonneries de l’écurie Marvel en soutenant une approche mi-épique, mi-politique du super-héros, la franchise ne lui aura pas tenu tête très longtemps. Un revirement lâche qui explique pourquoi cette entreprise de capes et collants se termine la tête sous l’eau et non en fanfare. James Wan ne s’attendait certainement pas à devoir boucler quoi que ce soit, mais c’est à lui que s’impose cette lourde tâche après avoir plongé une première fois et signé, au passage, un Aquaman revigorant et carrément régressif. Sa suite, Le Royaume perdu, s’inscrit dans le même registre, ouvertement influencée par les films d’aventure eighties, portée sur la déconnade et les mauvais jeux de mots. Mais pour cette conclusion qui n’en a aucunement l’allure, Wan renouvelle ses référents.

Dans ses scènes les plus vivifiantes, son film recrée l’ambiance des romans de Jules Vernes, inspiré par la jungle du Voyage au centre de la Terre et ses créatures que l’on ne voit nul part ailleurs. Et si nos héros ne creusent pas véritablement jusqu’au cœur de la planète, le script s’arrange quand même pour leur faire parcourir galeries souterraines et tréfonds marins dans l’espoir de susciter un brin de dépaysement. Le précédent Aquaman jouait également cette carte : une multiplication d’environnements exotiques qui tire les protagonistes de la grisaille métropolitaine et permet au réalisateur une totale liberté de mouvement. Dans cet opus, la caméra de James Wan s’affranchit encore des lois de la physique en nageant dans les airs, lancée à la vitesse des protagonistes, mais ses excès de zèle font moins de ravages. Plus courts, plus resserrés, ces moments de folie sont là des bouts d’action anonymes qui vont dans le sens d’un manque général d’éclat. Il faut dire que ce Aquaman et le Royaume perdu ne pioche pas uniquement dans les bons vieux textes verniens pour couvrir ses arrières : à nouveau, l’empreinte des blockbusters Marvel se fait ressentir et, dans le cas présent, celle du débilisant Thor : Love and Thunder.

© 2023 Warner Bros.

Brossé dans toute sa suffisance, dépeint comme un lourdaud à la virilité exacerbée, amateur de bières et de dérapages en moto, le Aquaman de Jason Momoa trempe dans la caricature basse. Son rôle de père aggrave même son cas. Les bases shakespeariennes qui ont fait sa légende sont tues, sa bravoure à la surface, aux côtés de Superman, aussi. Il ne reste ici que l’humour gras que Joss Whedon s’était autorisé à répandre dans sa version de Justice League, les combinaisons moulantes qui soulignent la forme herculéenne des hommes-poissons et les perruques de synthèse qui flottent autour de leurs visages, nuisant au peu de crédibilité que comptent les passages aquatiques. Du reste, l’ensemble du long-métrage est emprunt de cette artificialité dont souffrent les divertissements super-héroïques d’aujourd’hui, grouillant d’effets spéciaux bâclés et de comédiens en roue libre. Une facticité qui déteint sur ce qui subsiste de dramaturgie.

En fond, une vague histoire d’écologie et de paix entre les peuples, vue à travers des écrans de télévision. Celle-ci n’existe qu’à peine, asphyxiée par le récit de frères ennemis qu’invente cette suite, dégageant Patrick Wilson de sa prison (le prétexte est risible) pour muer en buddy movie décérébré. Aquaman et le Royaume perdu voudrait nous faire croire que ses conflits familiaux valent encore quelque chose en les ressassant, comme une preuve que cette énième escapade n’est pas que récréative, mais les frangins arrosent continûment leur ancienne querelle de railleries beaufs et enterrent la possibilité d’une éventuelle prise au sérieux. Exécuté en quatrième vitesse, le quinzième et dernier chapitre de l’univers DC s’achève ainsi, dans un bain de rigolade, tirant un trait sur son potentiel spectaculaire, enfonçant le clou quant à l’échec de cette saga qui, jusqu’au bout, aura abandonné la mythologie luxuriante de ses personnages pour jouer dans la cour des clowns. Hormis sa bande originale de borne d’arcade et ses poulpes aimables, le blockbuster de James Wan fait l’effet d’un coup d’épée dans l’eau.

Aquaman et le Royaume perdu de James Wan, 2h04, avec Jason Momoa, Patrick Wilson, Amber Heard – Au cinéma le 20 décembre 2023.

4/10
Note de l'équipe
  • JACK
    4/10 Passable
    Dans ses scènes les plus agréables, Aquaman et le Royaume perdu recrée l’ambiance des romans de Jules Vernes. Pour le reste, le film de James Wan carbure à l'humour débile et à la caricature, inspiré par le dernier blockbuster de Taika Waititi. L'univers DC se referme sur un gag.
  • Louan Nivesse
    3/10 Simple comme nul
    Un film bricolé, incohérent, aux effets spéciaux médiocres et un rythme décousu. Même l'action ne sauve pas le tout. Casting en roue libre, problèmes techniques partout. Une faillite plus due aux décisions des dirigeants qu'au personnel. DCEU mort, une renaissance improbable. À voir pour le message écolo qui semble sincère et pour la tête flottante de Patrick Wilson. Pissons sur Aquaman (et Jason Momoa).
  • Vincent Pelisse
    4/10 Passable
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