[CRITIQUE] Alam – L’éveil des cœurs sous le souffle du vent

Alam, le premier long-métrage de Firas Khoury, laisse des traînées lumineuses et profondes dans notre conscience collective. Traduit littéralement par “Drapeau” en français, il déploie un drapeau narratif dont les teintes variées composent un portrait captivant d’une jeunesse palestinienne en Israël. À travers des tableaux subtils, Khoury nous guide à travers le tumulte des émotions adolescentes, tout en tissant habilement une toile politique riche de métaphores, où la dualité et le drapeau deviennent le fil conducteur de cette odyssée.

L’ÉVEIL DE LA RÉSISTANCE

Le récit s’ouvre sur le protagoniste, Tamer, dont le regard curieux reflète l’innocence de l’adolescence. Tandis que les écoliers israéliens absorbent une histoire officielle biaisée, Alam dévoile l’antagonisme de l’identité de Tamer, à cheval entre deux mondes. À travers ses yeux, nous découvrons le paradoxe d’un enseignement qui célèbre l’Indépendance israélienne tout en occultant l’exode palestinien, la Naqba. Cette tension, entre une réalité présentée et une vérité occultée, s’avère être la première étoile du film, scintillant d’un éclat poignant.

Le Drapeau, dans Alam, devient l’allégorie puissante de la résistance. Les fils tissés entre Tamer et Mayasa, la jeune rebelle au charme magnétique, forment la trame d’une conscience politique naissante. Tel un drapeau hissé fièrement, Mayasa invite Tamer à participer à des actes de résistance pacifique. Ici, Khoury transcende l’aspect conventionnel du récit d’apprentissage, érigeant un monument à la découverte de soi à travers l’action collective. La scène où Mayasa dévoile les secrets de la manifestation politique est une fenêtre ouverte sur une nouvelle réalité pour Tamer, un vent de changement soufflant à travers les tissus du quotidien.

© JHR Films
L’IDENTITÉ FRAGMENTÉE

Le cinéaste manie le Drapeau comme un miroir brisé, reflétant l’identité complexe de Tamer et de ses amis. Ces adolescents, pris entre les aspirations de la jeunesse et les entraves de leur statut de citoyens palestiniens en Israël, évoquent un kaléidoscope d’expériences. Le père de Tamer, symbole d’assimilation, prône l’abstention politique, tandis que son oncle, rescapé traumatisé, incarne le passé douloureux. Khoury métamorphose ces fragments en un ensemble cohérent, où le Drapeau devient le liant de cette mosaïque identitaire.

Le village, cadre de l’histoire, émerge comme un laboratoire social, offrant à Tamer diverses ébauches de futurs possibles. Le spectre de modèles masculins fluctue, de la sagesse paternelle à l’activisme local, du traumatisme de l’oncle à l’énigmatique dealer de drogue. Khoury compose un éventail de perspectives, montrant que le Drapeau n’est pas figé dans le passé, mais flotte avec audace vers l’horizon des potentialités.

© JHR Films

Ainsi, Alam de Firas Khoury transcende le simple cinéma pour devenir une métaphore vivante, un vibrant drapeau agité par le vent de la narration. À travers le prisme de l’adolescence, il esquisse les contours d’une identité en ébullition, évoquant les dilemmes intérieurs et les luttes extérieures qui façonnent nos vies. Tel un tableau impressionniste, le film mélange habilement les teintes de la politique et de l’intime, peignant un paysage émotionnel d’une rare profondeur. Alam hisse de l’audace et de la politique, affirmant le pouvoir de l’image et de la narration pour éclairer les recoins les plus sombres de notre monde en mouvement perpétuel.

Alam de Firas Khoury, 1h40, avec Mahmood Bakri, Sereen Khass, Mohammad Karaki – Au cinéma le 30 août 2023

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