En ouverture de cette rétrospective, il est malheureusement nécessaire de remercier la saga Twilight. Ne soyez pas surpris, car c’est grâce à cette série que la dernière vague de films pour adolescents, aujourd’hui considérée comme culte, a vu le jour. Les années 80 de John Hughes sont révolues, de même que le renouveau du slasher des années 90 et la comédie pour adolescents orientée vers la sexualité des années 2000. Bienvenue dans les années 2010 et leur déferlante d’adaptations de littérature adolescente. Avant d’aller plus loin, posons-nous d’abord une question : d’où provient l’engouement pour l’adaptation de romans destinés aux adolescents ? Une petite recherche dans les bibliothèques et les librairies révèle que la littérature pour adolescents, dans la section jeunesse, provient de toutes les époques. Cependant, si l’on s’intéresse aux livres ayant été portés à l’écran, l’un des premiers à avoir fait l’objet d’une adaptation est Orgueil et Préjugés de Jane Austen, dès 1940, sous la direction de Robert Z. Leonard. Si l’on cherche la plus récente adaptation à avoir fait sensation, on peut affirmer sans conteste qu’il s’agit de Mortal Engines de Christian Rivers. Ainsi, l’adaptation de romans pour adolescents au cinéma ne relève pas d’un simple phénomène de mode. Le cinéma s’est emparé de ces œuvres destinées aux plus jeunes depuis longtemps.
Comment ne pas mentionner la saga Harry Potter, qui a marqué deux générations de jeunes, depuis la publication du premier livre en 1997 jusqu’à la sortie du dernier film en 2011 ? Cependant, il est indéniable que dans les années 2010, cette vague d’adaptations est devenue un phénomène culturel, créant, à mon avis, un nouveau sous-genre du film pour adolescents. Malheureusement, c’est en grande partie grâce à la qualité médiocre de l’écriture de Twilight que cela s’est produit. Lorsque l’adaptation du livre de Stephenie Meyer est sortie, les producteurs américains ont été stupéfaits par la popularité de ces romans pour adolescents. Sans hésitation, de nombreuses licences ont été mises en chantier, réalisées avec plus ou moins d’égard pour leur source originale. Parmi ces licences, plusieurs se distinguent, mais à mon sens, la meilleure, surtout en ce qui concerne sa résonance avec notre société actuelle, est Hunger Games, avec les trois films réalisés par Gary Ross et Francis Lawrence, adaptés du livre éponyme de Suzanne Collins. En prévision de la sortie du préquel Hunger Games – La Ballade du Serpent et de l’Oiseau Chanteur, je vous propose de plonger dans une rétrospective de toute la saga Hunger Games.
Panem est un pays fictif, créé sur les ruines des anciens États-Unis après une révolte sanglante. Le pays est divisé en douze districts (en plus de la capitale), allant du plus riche au plus pauvre. Afin de contrôler la population, chaque année, les douze districts doivent soumettre deux adolescents, tirés au hasard ou volontaires, pour combattre dans une arène. Le tout est diffusé en direct dans tout le pays sous le nom des « Hunger Games ». Parmi les vingt-quatre tributs sélectionnés, seul un survivra dans l’arène, obtenant ainsi immunité, gloire et fortune. Sans transition, nous suivons le personnage de Katniss Everdeen, une jeune fille du district 12. Son père est décédé dans les mines de charbon exploitées par le Capitole, sa mère est dépressive depuis la perte de son mari, et sa petite sœur est jeune et innocente, perdue au milieu de tout cela. Katniss est froide, calculatrice, rancunière, mais aussi altruiste. Lorsque sa petite sœur est désignée comme tribut, elle n’hésite pas à se porter volontaire à sa place.
Pour être honnête, les cinéphiles reconnaîtront immédiatement que l’histoire est largement inspirée du film Battle Royale de Kinji Fukasaku, lui-même adapté d’un roman de Kōshun Takami. Les enjeux d’un monde dystopique et d’adolescents sacrifiés pour le divertissement et la société sont les mêmes. Cependant, Hunger Games aborde un tout autre thème : comment naît une révolution ? En se concentrant sur un individu au sein d’une société qui exploite sa vie, Suzanne Collins offre une critique politique évidente. S’adressant aux adolescents, le film (tout comme le livre) peut parfois manquer de subtilité dans son traitement politique. La lutte des classes symbolisée par les douze districts et la richesse secrète de la capitale sont abordées de manière directe, mais elles sont faciles à comprendre.
Si l’on compare la manière dont sont structurés les films Battle Royale et les diverses adaptations cinématographiques de ce type, comme Les Condamnés de Scott Wiper en 2007, on constate que le cinéma tend à ne pas consacrer beaucoup de temps à la préparation au combat. Au lieu de cela, on entre rapidement dans l’arène, et les secrets de l’univers se révèlent au spectateur au fil de l’histoire, dans ce lieu clos. Hunger Games prend un autre chemin. Il n’est pas simplement un film d’action, mais plutôt un voyage de l’extérieur vers l’intérieur, à travers des événements et un univers. On suit Katniss tout au long de sa préparation. Le film étant filmé uniquement depuis son point de vue, nous découvrons les mêmes choses qu’elle, partageons ses regards et ressentons les mêmes émotions. Hunger Games est un film qui prend son temps.
Le réalisateur du premier volet, Gary Ross, privilégie une mise en scène froide, axée sur les événements et les faits. Nous ne sommes que des témoins de ce qui arrive aux personnages. Il encourage la réflexion et l’interprétation individuelle. Contrairement à la littérature, qui nous plonge dans l’intériorité du personnage grâce à ses pensées, Gary Ross ne cède pas à la facilité d’une voix off explicative ou à d’autres subterfuges. Il nous montre simplement l’évolution de son personnage au fil de l’histoire. Ce choix, bien qu’ayant été critiqué par les fans du livre à sa sortie, fonctionne admirablement. Katniss est un personnage antipathique, ce qui la rend d’autant plus proche de nous. Contrairement à Bella de Twilight, capricieuse et peu intéressante, ou à Harry Potter, que l’on voit grandir, Katniss est simplement une adolescente plongée dans un monde d’adultes trop complexe et violent pour elle. Il convient également de saluer la performance de Jennifer Lawrence (aucun lien de parenté avec le futur réalisateur des volets suivants).
Déjà aperçue dans le reboot/suite des X-Men en tant que Mystique, Jennifer Lawrence devient une icône en incarnant Katniss à l’écran. Elle respecte l’adaptation tout en ajoutant sa propre touche au personnage. Il en va de même pour les autres acteurs du film, dont les performances sont à saluer. Josh Hutcherson incarne un Peeta Mellark convaincant, mêlant habilement le côté maladroit du personnage à son attachante naïveté. Woody Harrelson, qui joue Haymitch, le mentor des deux protagonistes, excelle à la fois dans le registre sérieux du personnage et dans ses moments comiques, notamment lors des scènes avec Effie. Interprétée par Elizabeth Banks, Effie Trinket est la seconde mentore du duo, une bourgeoise excentrique qui guide Katniss à travers la découverte du Capitole et la préparation aux Jeux.
Ce premier volet, au-delà de poser des bases solides pour la saga, offre une adaptation fidèle, avec des choix convaincants et pertinents, annonçant un second volet prometteur. Le film a été bien reçu et les résultats au box-office ont justifié une suite, prévue pour un an après le premier volet. Gary Ross, confronté à un calendrier serré, a jugé que le studio ne lui laissait pas suffisamment de temps pour finaliser le scénario et développer ses ambitions artistiques. Il a donc quitté le projet, laissant la réalisation à Francis Lawrence, connu pour son travail sur Constantine.
Hunger Games de Gary Ross, 2h22, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth – Sorti en 2012