[RETOUR SUR..] The Morning Show (Saison 2) – Briser la glace et le cynisme

Non content d’être sur le toit du monde quand on parle du marché des smartphones et des tablettes, la marque à la pomme s’est vue assez confiante pour lancer sa propre plateforme de streaming. Des séries et des films de luxe, sans la moindre fioriture, à ce qu’il paraît. Force est de constater que dès son ouverture en 2019, Apple TV + s’impose et se montre comme un concurrent direct des monstres tels que Netflix ou Prime Vidéo en proposant des programmes très fournis en têtes d’affiche, devant comme derrière la caméra.

Et pour cause, la première saison de The Morning Show diffusée lors du lancement de la plateforme compte des stars telles que Steve Carell, Jennifer Aniston ou encore Reese Witherspoon en casting. Des choix de première classe pour une série portée sur le journalisme et le mouvement MeeToo, et l’on sait également que les deux actrices citées précédemment participent activement à celui-ci. En résulte un premier acte comptant dix épisodes légèrement trop longs mais souvent brillants, où le message très engagé sur le harcèlement sexuel et sa gravité se regarde sans déplaisir, ponctué par petites touches d’un cynisme qui gratte comme il fascine, le tout dans un décorum rappelant le stupéfiant programme d’Aaron Sorkin, The Newsroom, principalement pour ce que représente le journalisme chez les américains. Il semble donc évident de revenir sur la seconde saison de The Morning Show avant que la troisième sorte (début de diffusion prévue pour septembre 2023). Une seconde saison sortie fin 2021 dont le contexte de la pandémie du Covid-19 irrigue surtout les derniers épisodes, on le verra.

© AppleTV+

Mitch Kessler (Steve Carell) est encore conspué par tous, accusé d’avances et d’inconduites sexuelles prouvées, le monde ne le voit plus que comme un monstre dont la figure déshumanisée transparaît sur tous les écrans. Et c’est déjà sur cet axe narratif que la série va décider d’amener le spectateur, en priorité, pour tordre les clichés. Cette torsion viendra de l’ajout majeur de cette saison 2 : le personnage de Valeria Golino ; Paola. Elle est la pièce maîtresse de la rédemption de Mitch, et par conséquent, de sa perte. La beauté de ce personnage ne tient pas seulement à la façon dont Mitch fait sa rencontre, mais surtout et premièrement au regard que porte l’Amérique contemporaine sur elle. Une italienne qui, dû aux stéréotypes et clichés qu’on lui colle, est vue comme une femme qui fume et baise tandis qu’elle se donne humainement pour offrir une possibilité à Mitch de montrer une autre facette de sa personne. Prenant le témoignage de son mea-culpa, elle filme avec une sincérité débordante l’autre Mitch, et sûrement le vrai. C’est d’ailleurs cela, la force de cette saison 2, qui, continuant de se coltiner quelques sous-intrigues parfois confuses, sait néanmoins briser ce qu’elle a construit durant la saison 1 et apporter un contre-champ complet. En filmant cette relation faussement simpliste, dénuée de tout cynisme, The Morning Show égratigne la coquille soit disant binaire que le public et l’Amérique voyaient dans le personnage interprété brillamment par Steve Carell. Le résultat est si onctueux qu’il en devient jouissif par instants, tant la série s’amuse à se moquer de ce qu’elle nous a montré en 2019.

Passé cet axe intéressant, le programme s’évertue à développer beaucoup trop de personnages, sauf qu’ils ne sont pas tous à la hauteur. Difficile de trouver de l’intérêt chez Mia ou Stella par exemple, car ici, au contraire de Mitch, les clichés s’enchaînent et les sous-intrigues se rallongent pour ne pas raconter grand chose. C’est d’ailleurs là la faiblesse principale de The Morning Show face à The Newsroom. Lorsqu’elle provoque ses allers et retours entre les protagonistes parce qu’elle voudrait traiter ses sujets sans s’attarder sur l’humain, parfois, le montage fait mine mais l’écriture ne suit pas. Sortie d’Alex et de ses histoires de paranoïa, son touchant séjour chez Mitch, du flirt de Bradley et Laura, la série s’embourbe facilement dans ce que la saison 1 nous avait déjà pourtant bien montré, faisant tourner en rond des sujets maintes fois abordés. Alors que l’œuvre écrite par Aaron Sorkin pour HBO sait, elle, rendre chaque strates de ses sujets très intéressantes justement parce qu’elle travaille avant toute chose ses personnages et son rythme (les dialogues aident) avant d’aborder ses sujets.

© AppleTV+

Par exemple, et c’est là où The Morning Show retrouve sa vigueur dans les deux derniers épisodes ; lorsque la série pose un regard sur le personnage de Jennifer Aniston, bloquée chez elle car atteinte du Covid-19, elle développe un arc assez passionnant sur la déconstruction de la star et sa capacité à devenir le miroir de toute une Amérique, comme dopée à la révélation des vérités, même malade. On voit donc bien qu’ici, la série part d’un personnage pour traiter son sujet, ce qu’elle ne réussit pas sur toute sa galerie pourtant prestigieuse.

Finalement, il y a beaucoup de choses à dire concernant cette saison 2. On voit bien à quel point malgré ses maladresses, en tant que série, il y a bien longtemps qu’on ait pas vu une œuvre auscultant de façon aussi nuancée des sujets très actuels par le prisme de personnages humains et souvent passionnants.

The Morning Show, 3 saisons, 30 épisodes, 60 min, avec Jennifer Aniston, Reese Witherspoon, Steve Carell – Sur Apple TV+

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