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[DVD/BLU-RAY/VOD] Pearl – Bijou d’horreur passionnelle

Ti West n’a pas chômé. Fétichiste d’une certaine frange du cinéma d’horreur, à laquelle il emprunte la moiteur et l’esthétique granuleuse, le bonhomme a tué l’ennui en lançant la production de Pearl juste après avoir achevé le tournage de son dernier long-métrage, X. Ce qui n’était alors que quelques notes échangées avec la comédienne Mia Goth s’est transformé en un préquel surprise, centré sur le personnage terrifiant et mystérieux de Pearl, la vieille femme qui massacrait les jeunes gens venus squatter sa propriété. Son geste meurtrier, X s’était déjà chargé de l’expliquer à haute voix : octogénaire, isolée dans sa ferme du Texas, elle prenait de plein fouet ses frustrations de personne âgée face au tournage d’un film pornographique et avait déversé sa haine sur l’équipe technique. Pearl n’est donc pas le film d’un twist, venu éclairer les zones d’ombre (ou assassiner le pouvoir de suggestion) du premier volet, ni même le film d’un élément déclencheur, car il n’en existe pas. C’est exactement ce que soutient sa magnifique séquence d’introduction, succession de travellings nous ramenant au temps où la jeune Pearl improvisait des numéros de danse dans la grange familiale et embrochait les malheureux animaux qui interrompaient ses cabarets mentaux : sa folie ne dépend que d’elle-même. Son premier acte de cruauté à l’écran, exécuté sur une pauvre oie qui passait par là, ne changera pas grand-chose au style enchanteur de la mise en scène.

Car une nouvelle fois, Ti West se plaît à composer avec les contradictions, parfois pour confondre passé et présent (son 1918 est fait de pandémie, de masques, de guerre), souvent pour troubler les sens de son spectateur. Les apparences sont de facto trompeuses, mais les apparences comptent. Le réalisateur déterre les comédies musicales et loufoques de jadis, se réappropriant les couleurs vives du Magicien d’Oz, pour poser le décor rural de son récit. Une campagne sublimée par les violons et les teintes de carte postale que lui cède la photographie, mais que l’héroïne dérangée se représente comme une ennemie, une cage l’empêchant d’accéder à ses rêves de célébrité et de cinéma. En cela, Pearl renvoie automatiquement au double rôle de Mia Goth dans le chapitre précédent, d’une pertinence admirable : soixante ans avant Maxine, d’autres filles subissaient les propagandes hollywoodiennes et tombaient pour l’objectif de techniciens pervers – ici un projectionniste.

© Origin Picture Show LLC

Le cinéaste se retient néanmoins de traiter son personnage principal en victime, comme il se montre incapable de s’en déconnecter. Pearl est ainsi entourée d’une aura inextricable, ambiguë à en mourir, iconisée tel un monstre d’épouvante mais dont la fragilité perturbe le cadre. Une antinomie qui passe par le visage ingénu de Mia Goth, impliquée en tant que scénariste, laquelle incarne à la perfection les paradoxes de son rôle, en grand écart entre la candide des campagnes (en salopette bleue) et le démon impassible (glissé dans une robe rouge sang). L’actrice tord ainsi sa bouche, écarquille ses yeux tombants, crispe ses joues jusqu’à la grimace finale, surréaliste, pour rapporter la bipolarité d’une femme caressée conjointement par le sexe et la mort. X surlignait la liaison historique entre la sexualité et l’horreur cinématographique, Pearl franchit un cap en faisant s’accoupler l’amour et la haine, l’idéal et le dégoûtant, par l’intermédiaire de plans inquiétants. West emploie son héroïne éponyme comme un catalyseur de forces contraires, qu’elle subit et déclenche, et qui viennent parasiter l’atmosphère – qui se dispense de hurlements, d’images extra-gores et de mélodies flippantes.

Le metteur en scène s’exerce donc à la reproduction d’autres motifs horrifiques que ceux qu’il chérit généralement, plus proche d’Alfred Hitchcock que de Tobe Hooper, toujours à deux doigts du pastiche, tel un Tarantino spécialiste de la trouille. Le parallèle ne s’arrête pas là : comme le réalisateur de Once Upon a Time… in Hollywood, Ti West met sa cinéphilie pointue à contribution, collectionneur de clins d’œil et faiseur d’hommage, artisan minutieux et connaisseur. Et comme Quentin Tarantino, West trouve dans l’hybridation de ses références la matière pour faire naître ses propres expérimentations formelles, sa propre mythologie fictive. Celle de XPearl et bientôt MaXXXine – dernier volet de sa trilogie, situé dans le Los Angeles des années 1980 – pourrait en inspirer d’autres.

Pearl de Ti West, 1h43, avec Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright – En VOD et en DVD/Blu-ray le 16 août

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