[CRITIQUE] X – Massacre à la vibromasseuse

L’empreinte du film de Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse, sur le domaine de l’horreur dépasse toute estimation. Si l’on attribue souvent à Halloween de John Carpenter le lancement du sous-genre du “slasher”, il convient de reconnaître que c’est en réalité le film de Hooper (aux côtés de Black Christmas de Bob Clark, tous deux dévoilés le même jour en 1974) qui a instauré de nombreux codes pérennes. Parmi eux, la caractérisation d’un tueur en série sordide sous les traits d’une figure imposante et dénuée de visage, s’opposant à des jeunes “rebelle” et “indomptables” de l’époque, souvent associés à des comportements licencieux ou à la drogue.

Malgré une relative modération dans les scènes sanglantes, fruit d’un choix délibéré de Hooper visant à obtenir une classification PG, Massacre à la tronçonneuse a dépeint une brutalité inédite dans le cinéma américain. Cela transparaît non seulement dans les actions du vicieux Leatherface envers ses victimes, mais également dans le nihilisme étouffant qui enveloppe le film tout entier. Ce dernier évoque des individus intrinsèquement malveillants, dépourvus d’humanité et d’empathie, s’adonnant joyeusement à des actes de violence aveugle, dénués de raison ou de logique. Une idée terrifiante, bien plus que tout effet gore.

Copyright capelight pictures OHG / Christopher Moss

Dès sa sortie, Massacre à la tronçonneuse a suscité l’admiration des cinéastes à travers le monde pour son atmosphère saisissante, magnifiée par la splendide saleté capturée par l’objectif de Daniel Pearl et par l’isolement oppressant des décors choisis pour le tournage. Nombreux sont ceux qui, au fil des décennies, ont tenté de recréer cette ambiance glaciale, retournant au Texas avec leurs propres réalisations. Cependant, peu ont réussi à égaler son succès, jusqu’à l’avènement de X de Ti West.

West, un habitué du monde de l’horreur grâce à des œuvres indépendantes telles que The House of the Devil et The Innkeepers, trouve en X l’expression parfaite de son talent cinématographique. Son récit démarre, à l’instar de Massacre à la tronçonneuse, avec un groupe de jeunes adultes, cette fois-ci des cinéastes, s’aventurant dans la campagne texane dans le but de tourner un film pornographique.

Menés par le “producteur exécutif” auto-proclamé Wayne, les membres de l’équipe se confrontent rapidement à des obstacles. Malgré la réservation d’une ferme isolée, l’accueil glacial de Howard, le propriétaire, annonce des tourments à venir. Alors que la production démarre, l’intérêt étrange de Pearl, l’épouse d’Howard, pour les activités des acteurs évolue bientôt vers une violence inouïe.

X représente une prouesse pour West, qui offre ici sa réalisation la plus énergique. Ses compositions visuelles sont extraordinaires, avec un souci du détail et une maîtrise des décors qui lui permettent de tirer le meilleur de chaque scène, créant ainsi une tension palpable. À l’instar de Hooper, West magnifie la rusticité de la campagne texane, tout en imprimant une “élégance” propre à son style, sans renier la dimension brute du récit.

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Le montage dynamique de West et David Kashevaroff insuffle un rythme soutenu à l’ensemble, renforçant le suspense à chaque instant. Plus encore, West réussit à recréer l’atmosphère des années 70 avec une justesse remarquable, contribuant ainsi à l’immersion du spectateur.

Au-delà du simple slasher, X déploie une réflexion sociale subtile. Le véritable antagoniste réside dans la répression sexuelle, à la fois personnelle et politique, symbolisant un conflit générationnel entre les libérés des années 70 et une droite religieuse répressive des décennies précédentes. West parvient à rendre ses personnages antagonistes aussi fascinants que terrifiants, sans excuser leurs actions.

Par ailleurs, les acteurs de X se distinguent par leur charme et leur bienveillance, offrant des performances vibrantes. Contrairement aux stéréotypes du genre, leur sort émeut véritablement, grâce à l’écriture empathique de West et à l’engagement des interprètes.

Le long-métrage incarne un équilibre parfait entre horreur et comédie, témoignant du talent de West pour la narration et la mise en scène. Dans un paysage cinématographique où les suites prévisibles dominent, des films comme X sont essentiels pour insuffler une nouvelle vitalité au genre de l’horreur. Et surtout, il s’agit d’un pur divertissement cinématographique.

X de Ti West, 1h45, avec Mia Goth, Jenna Ortega, Martin Henderson – Au cinéma le 2 novembre 2022

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