[CRITIQUE] Une Année Difficile – Le diner de Co(he)n

On a traversé une année difficile, tout comme celle précédente et celle d’avant. Depuis un paquet d’années elles sont difficiles, depuis tout le temps en fait. La politique ne cesse de nous le rappeler. Nous sommes constamment confrontés à des déclarations du type : “Préparez-vous à une année difficile”. Et bien sûr, cela affecte notre moral. Nous sommes épuisés par des décennies de capitalisme et une politique excessive. Dans leur nouveau long-métrage, Olivier Toledano et Eric Nakache semblent avoir trouvé un antidote à ces années difficiles, une combinaison de poésie et d’humour. L’objectif n’est pas de fuir ou de se “détendre” en s’éloignant de la réalité, mais plutôt de trouver des moyens d’agir pour rendre ce monde plus facile pour les générations futures.

Ce duo de scénaristes-réalisateurs est surement l’un des plus rentables du cinéma français. Entre Intouchables, Le Sens de la Fête, Hors-Normes et En Thérapie, ils ont multiplié les succès commerciaux et critiques. La recette de cette réussite est relativement simple à décoder, sans pour autant être facile à réaliser. Ils plaquent sur des sujets sociaux contemporains des schémas cinématographiques populaires et exigeants. Dans le cadre de ce nouveau film ils vont donc s’intéresser aux actions militantes, à l’écologie mais également à la dépression et au surendettement. Des sujets graves, mais toujours aborder avec un regard malin et artistique. On retrouve dans Une Année Difficile, un peu de film de groupe, de film de braquages mais surtout un immense hommage à la comédie italienne.

© Carole Bethuel – 2022 Quad Films – Ten Cinéma – Gaumont – TF1 Films Production

En créant des personnages et des relations selon les codes de la comédie italienne les réalisateurs pourraient tomber dans du cliché, et pourtant le film n’est jamais ridicule. Bien sur le trio amoureux semble prendre une place excessive en comparaison aux enjeux sociaux, mais c’est justement le talent d’interprétations des trois têtes d’affiches qui sauve le film. Les rôles de Noémie Merlant et Pio Marmai sont écrits pour eux, et ils sont tout naturellement superbes, mais c’est bien Jonathan Cohen qui offre la meilleure interprétation. En sortant de sa série La Flamme, il était donc totalement épuisé et fatigué, donc parfait pour ce rôle d’un homme au bout du rouleau. Pour incarner des individus compressés par les instances de la société, il faut de la fatigue.

Comment faire face au rouleau-compresseur que représentent les sociétés capitalistes ? Une Année Difficile propose de nombreuses solutions et méthodes d’action, mais une seule leçon doit être retenue : l’union. Toledano et Nakache se sont rencontrés dans le milieu associatif, donc ils connaissent bien l’importance de l’union et du groupe. D’ailleurs, les figurants du film font tous partie de véritables groupes d’actions écologiques et ont conseillé certains choix de production. C’est d’ailleurs une constante dans leurs films : la volonté de sortir de l’intime pour aller vers le collectif, en effaçant les inégalités au passage. Les personnages du film n’ont aucun contrôle sur leur vie intime, détruite par la marchandisation mondiale, mais en se regroupant, ils retrouvent un semblant de pouvoir. C’est cette phrase que Cohen hurle face à un avion pollueur qu’il vient de bloquer : “Maintenant, c’est nous qui décidons !“.

© Carole Bethuel – 2022 Quad Films – Ten Cinéma – Gaumont – TF1 Films Production

Une Année Difficile ne fait pas l’impasse sur les questions de violence qui traversent constamment la société. Il aborde la brutalité policière, la violence économique et sociale, en opposition aux actions non-violentes des écologistes, un point sur lequel le film insiste. Le groupe d’action est régulièrement confronté à la brutalité et à l’usage de la force publique, jusqu’à cette scène où une voiture de police heurte violemment un corps, rappel constant de l’opposition de l’État à l’écologie. Quoi qu’il en coûte, semble-t-il. Pourtant, les deux réalisateurs semblent sortir optimistes de leur film, notamment grâce à l’utilisation de la chanson “La Valse à mille temps” de Jacques Brel. Cette chanson ouvre et clôt le film, mais de manière très différente. D’abord utilisée pour illustrer un affrontement violent et absurde lors d’un Black Friday, elle devient ensuite une danse romantique, empreinte d’espoir écologique.

C’est quoi le cinéma d’Olivier Toledano et d’Eric Nakache ? Il y a beaucoup de beauté dans leur volonté d’appliquer des filtres cinématographiques à un cadre réel. Le film n’est en aucun cas moralisateur. Il nous invite à réfléchir à notre mode de vie sans exiger un changement particulier. C’est aux spectateurs, en tant que groupe, de discuter entre eux pour partager leurs réflexions sur l’écologie. La grande tournée d’avant-premières, avec ses 148 dates, est particulièrement intéressante car elle permet justement au public de s’exprimer, transformant ainsi le film en lieu d’échange. Toledano et Nakache ont bien compris qu’il ne faut pas tout rejeter en bloc, qu’il reste encore de l’espoir. Ce qui est encourageant lorsqu’une année est difficile, c’est qu’il est toujours possible de la gagner.

Une année difficile d’Eric Toledano et Olivier Nakache, 1h58, avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant – Au cinéma le 18 octobre 2023.

4/10
Note de l'équipe
  • Enzo Durand
    7/10 Bien
    Une Année Difficile offre un antidote poétique et humoristique aux années difficiles. Avec une combinaison de comédie italienne et de sujets sociaux graves, le film aborde l'union et l'action collective pour rendre ce monde plus facile. Une belle réussite.
  • Louan Nivesse
    3/10 Simple comme nul
    Lorsque Éric Toledano et Olivier Nakache tentent de créer une comédie à la fois engagée et militante sans pour autant saisir pleinement le sujet dont ils traitent, cela aboutit inévitablement à un long-métrage qui se situe quelque part entre Jadot et Macron, où les hommes semblent plus préoccupés par ce qu'ils peuvent obtenir au lit ou dans leur porte-monnaie que par l'engagement. C'est profondément décevant.
  • Vincent Pelisse
    2/10 "C'est nul !"
    Catastrophe absolue.
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