[CRITIQUE] Parthenope – Le retour du Voyage

Le retour tant attendu de Paolo Sorrentino se fait enfin sentir, lui qui nous a récemment gratifiés de Silvio et les autres et La Main de Dieu pour Netflix. Sorrentino n’est pas seulement un conteur de fables et de périples; ceux qui l’ont découvert avec La Grande Bellezza et Youth attendaient avec impatience un nouvel opus de cette envergure, et Parthenope semble répondre à ces attentes.

Parthenope narre l’histoire d’une jeune fille éponyme, incarnée par la sublime Celeste Dalla Porta, née des flots et dotée d’une beauté inégalée. Muse, déesse, sirène enchanteresse, son pouvoir de séduction fait d’elle une figure mystique. Est-ce par intention ou par simple magnétisme que sa beauté attire les hommes ? Cette ambiguïté renforce son aura et dessine son parcours. C’est avant tout un récit sur les mentors de la vie, ces rencontres fortuites ou significatives qui, à travers conversations et interactions, nous façonnent. Le film débute avec un commandant mafieux, patriarche de sa famille, et nous présente ensuite un écrivain homosexuel interprété par Gary Oldman, ainsi qu’un professeur d’anthropologie. Chacun de ces personnages joue un rôle clé dans l’épanouissement de Parthenope, ouvrant des horizons insoupçonnés pour la jeune femme, par leur nonchalance et leur sagesse.

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Sorrentino nous plonge dans une fresque où chaque rencontre, chaque dialogue, devient une leçon de vie. Toutefois, le chemin de Parthenope est semé d’épreuves. Elle se retrouve spectatrice d’une tradition perverse où deux enfants de familles influentes doivent consommer leur union sous les yeux de tous, une scène où le malaise est palpable. Elle, tout comme les autres femmes présentes, éprouve un profond dégoût, tandis que les hommes suent d’excitation. Sorrentino excelle dans l’art du malaise, notamment à travers les relations ambigües de Parthenope avec des hommes plus âgés, comme ce vieux curé qui la vénère comme un miracle vivant. La caméra capture avec tendresse son visage, rendant hommage à une beauté intemporelle à la Sophia Loren, tout en maintenant une certaine pudeur. Sa nudité, bien que présente, reste subtile, jamais ostentatoire. Parthenope incarne une séduction raffinée, où chaque regard, chaque sourire, rappelle la puissance de Zendaya dans Challengers. Les gros plans sur son visage dévoilent une profondeur émotionnelle captivante.

Le long-métrage nous entraîne à Naples, une ville à la fois chaotique et splendide, miroir de la liberté émotionnelle de Parthenope. Les relations complexes avec son frère, marqué par un amour incestueux inavoué, ajoutent une dimension tragique à son parcours. Ce lien interdit atteint son apogée lorsqu’elle s’unit à un autre homme dans la mer, déclenchant le suicide de son frère et la plongeant dans une crise existentielle. L’un des moments les plus marquants du film est une scène de danse où la jeune femme, entre deux hommes qui l’adorent, est filmée en panorama rotatif, rappelant les somptueuses scènes de La Grande Bellezza. Ce plan-séquence symbolise la transmission de savoir et d’émotions à travers l’étreinte, un leitmotiv puissant du film.

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C’est une fresque captivante qui se déploie autour d’un triangle amoureux, d’un suicide qui hantera Parthenope à jamais, et d’une actrice vieillissante errant dans sa demeure comme dans une scène sortie de Boulevard du crépuscule. L’intrigue se déroule également sur fond d’épidémie de choléra et de carrière académique, où Parthenope se distingue en tant que seule étudiante capable de tenir tête à un professeur d’anthropologie exigeant et sagace. Progressivement, l’extase de la jeunesse et sa nonchalance insouciante s’estompent. Lorsqu’on lui reproche d’être devenue présomptueuse et froide, elle rétorque qu’elle a simplement mûri, feignant l’indifférence à son passé qui la hante : “Ce n’était qu’un amour de jeunesse,” dit-elle, “et l’amour de jeunesse ne vaut rien.” Cependant, ce n’est pas insignifiant pour un cinéaste comme Sorrentino. Avec la complicité de la directrice de la photographie Daria D’Antonio et du compositeur Lele Marchitelli, tous deux collaborateurs sur La Main de Dieu, il parvient à infuser une nostalgie sublime. Parthenope devient plus étrange à mesure que son héroïne vieillit (dans l’épilogue, elle est interprétée par la vénérable actrice italienne Stefania Sandrelli), mais il ne perd jamais son sens de la perte ni son attachement au lieu.

Tout au long de sa vie, de sa naissance à sa retraite, Parthenope chérit les prémices du désir, ces regards intenses avant que l’acte ne dissipe la magie. Sorrentino nous transporte dans un univers où chaque émotion est palpable, où chaque larme est sincère, et où le fantastique effleure le réel avec une grâce antique. Parthenope est une ode à la beauté et à l’intelligence, une exploration des subtilités du désir et des émotions humaines. C’est un réveil artistique pour Paolo Sorrentino, qui mêle avec brio comédie, drame et poésie, créant une œuvre où la profondeur des sentiments s’entrelace avec une mise en scène magnifiquement orchestrée.

Parthenope de Paolo Sorrentino, 2h16, avec Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli, Gary Oldman – Prochainement au cinéma

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