Le dernier film de Paolo Sorrentino prend une place particulièrement importante au sein de sa filmographie, puisqu’il s’agit d’une œuvre en partie biographique, où le cinéaste raconte la naissance de sa passion pour le cinéma. Un adolescent, Fabietto Schisa, ne se sent pour ainsi dire, pas très bien dans sa peau, manquant de confiance en soi, partagé entre ses problèmes et ceux de ses parents, et l’éminente puberté qui lui fait regarder sa tante Patrizia sous un autre jour. Seulement, le jeune homme ne sait pas ce qui lui attend, un véritable bouleversement s’apprête à surgir dans sa vie, à la fois tragique et décisif sur la quête identitaire du personnage…
Sorrentino joue autant des codes de la grande comédie à l’italienne que du drame introspectif, convoquant les souvenirs de sa jeunesse, chaleureux comme pendant une grande fête familiale au soleil, et mélancoliques, lorsqu’il a été sauvé symboliquement par son joueur de football préféré, Diego Maradona. Le metteur en scène sublime la ville de Naples, à l’occasion de scènes de nuit, où le jeune Fabietto incarné par l’excellent Filippo Scotti (récompensé du meilleur espoir à la Mostra de Venise) dialogue avec son futur lui, et son obstination pour concrétiser son rêve : devenir cinéaste. Des scènes particulièrement bouleversantes resteront en tête, bien entendu celle où le jeune personnage apprend la nouvelle sur ses parents à l’hôpital, comme les crises intérieures de Fabietto, ne supportant plus les disputes de couple de ses parents.
L’acteur interprète ce personnage avec une grande justesse, exprimant de manière délibérée toutes ses inquiétudes et fantasmes adulescents. Une belle galerie de personnage s’installe à la table de ce dîner théâtral, rappelant les plus grands moments d’un Amarcord (1973) chez Fellini, en particulier celui de la grand-mère haineuse, comme celui du grand-père dans le film de Fellini criant au désespoir le chant de son amour pour une femme qu’il ne connait plus. Un imaginaire particulièrement baroque qui s’installe sur la première moitié de film, tel un film d’été, contrastant avec le second tiers, où le personnage sera livré à lui-même. Le passage à l’âge adulte dans les années 80s pour Fabietto est retranscrit par ce changement d’atmosphère, entre onirisme fellinien et couloir d’hôpital, où il s’agira de concrétiser ce que sa volonté lui dicte. C’est aussi et comme souvent pour le drame italien, le regard sur ce qu’est la femme et en particulier la mère, à la fois reine de sécurité pour l’enfant et matrice du désir ambigu de la protéger, comme l’adolescent le fera avec sa tante. La grande dernière balade a tous des sonorités tragiques, auxquelles on pourra peut-être reprocher le contraste extrême aux accents comiques distillés sur le long-métrage, mais qui dénote une sensibilité à fleur de peau.
La décomposition d’une famille foutraque, résolument attachante.
Paolo Sorrentino recherche ses origines dans le film, ce qui le mena à la passion amoureuse et cinématographique, comme ce que Fellini pouvait entreprendre avec un Otto e Mezzo (1963). S’il n’est pas toujours très subtil, la Main de Dieu fantasme la réalité et lui renvoie ses plus beaux espoirs, dans un rythme volontairement inégal. Un Naples changeant selon le regard que le jeune homme lui attribue, comme celui du cinéaste posé sur les moments les plus forts de sa jeunesse. Un très beau film, conciliant toutes les émotions d’une vie passée pour Sorrentino, à l’ambition similaire au Roma (2018) d’Alfonso Cuarón également sorti sur Netflix.
⭐⭐⭐⭐
Note : 4 sur 5.La Main de Dieu, disponible sur Netflix le 15 décembre 2021.