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[CRITIQUE] Nous les Leroy – Fausse route

Après avoir essaimé sur internet (Golden Moustache, Studio Bagel), puis à la télévision (Bloqués, La Flamme), Florent Bernard, continue de tracer son sillon et de poursuivre ses ambitions cinématographiques. Si, dernièrement il a scénarisé le récent Vermines de Vaniček, c’est ici en tant que réalisateur qu’il présente Nous les Leroy, son premier film, qu’il a également scénarisé. En Bourgogne, Sandrine (Charlotte Gainsbourg) et Christophe (José Garcia) Leroy forment un couple de cinquantenaires dont le mariage se délite. Pire encore, la famille semble dysfonctionnelle tant leurs interactions avec leurs enfants sont maigres. Pris par l’énergie du désespoir, le père décide d’emmener sa famille en week-end afin d’essayer de recoller les morceaux en traversant les endroits névralgiques de l’histoire familiale.

Une histoire familiale intrinsèquement reliée à la campagne bourguignonne qui devient l’espace de ce drôle de road trip. Cette campagne blanche, avec ses résidences pavillonnaires, ses zones industrielles et ses Buffalo grill. Ces lieux, apparaissant subrepticement par quelques plans de coupe, viennent disposer une toile de fond plutôt originale (quoique rappelant les comédies du Palmashow ou Comment c’est loin). Malheureusement, ce décor ne sera jamais réellement saisi par le film tant il fonctionne en vase clos. Ces lieux semblent dévitalisés. Ils n’existent que parce que la famille les traverse. Et si cet effet correspond aussi au voyage intérieur des personnages qui opèrent un retournement sur eux-mêmes de sorte que leur monde devient le monde, leur existence proéminente en vient à neutraliser la possibilité d’une présence autre et tue dans l’œuf les interactions avec leur environnement. Par exemple, une scène se déroulant dans un jardin public laisse apparaître quelques punks à chien qui ne seront jamais investis par la mise en scène. Celle-ci, paresseuse, s’empresse de flouter les arrière-plans, abuse des gros plans sur les visages de la famille et multiplie, sans grande inventivité, les champs/contrechamps.

© Apollo Films et TF1 Studio

Une fixité qui affecte également la structure du récit. Chaque endroit traversé fait avancer mécaniquement les relations entre les personnages tout en offrant une séquence comique plus ou moins inspirée. Certes, quelques lignes de dialogues et l’implication rafraîchissante de certains seconds rôles parviennent parfois à redynamiser l’ensemble – sans jamais se départir de cette rigidité pour autant, la faute à une succession de saynètes où défilent les amis du réalisateur. S’il ne fallait certainement pas attendre d’un film avec Gainsbourg et Garcia produit par TF1 qu’il révolutionne formellement le cinéma, un peu plus d’audace aurait été bienvenue. D’autant qu’il arrive par moments, notamment dans ses relations pères/fils, à être assez juste. Christophe pourtant persuadé de la solidité de son couple, aveugle et sourd face à la cacophonie étouffée qui l’entoure, et dont il est en parti responsable, se retrouve forcé à une introspection nécessaire : seule porte de sortie de cette crise qui l’oblige à repenser sa place de parent. Une réflexion qui l’amènera lui-même à reconnecter avec son père, pour qu’advienne enfin une complicité naissante avec son fils dans une jolie scène en taxi. Ainsi, sous ses airs de comédie légère, Nous Les Leroy parvient, en effet, à saisir un certain mal-être domestique. C’est parfois maladroit (à l’image des scarifications de la fille), mais qu’importe, il déroule son programme avec candeur et sincérité. C’est globalement mignon, même si définitivement trop sage. Souhaitons donc à FloBer qu’il suive le chemin de ses personnages, qu’il prenne la tangente et investisse d’« autres directions ».

Nous les Leroy de Florent Bernard, 1h43, avec Charlotte Gainsbourg, José Garcia, Lily Aubry et Hadrien Heaulmé – 10 avril 2024

4/10
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  • Pierre Laudat
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