[RETOUR SUR..] Nostalgie de la Lumière – Eclairages du passé (FIFAM 2023)

Nostalgie de la Lumière est un documentaire de Patricio Guzman, qui se concentre sur le désert d’Atacama. Le cinéaste, reconnu mondialement depuis La Bataille du Chili, explore cette zone désertique au cœur de son pays natal pour en montrer toute sa complexité. Le désert est le lieu par excellence du vide, c’est même sa définition. Pourtant, dès les premières minutes, on se rend compte que c’est un lieu traversé par de nombreuses personnes et organisations. Il y a des scientifiques à la pointe de la technologie qui viennent écouter et observer l’espace dans d’immenses observatoires. On trouve aussi des chercheurs, venant fouiller la terre à la recherche de tombes précolombiennes pour trouver toutes sortes de momies ou d’artefacts. Et enfin il y a, comme toujours chez le réalisateur, un rappel de l’histoire violente du Chili. On suit en effet à de nombreuses reprises un groupe, composé majoritairement de femmes, qui tentent de retrouver des ossements ou des traces de leurs proches. En effet, sous la dictature de Pinochet de nombreux opposants furent assassinés et lâchés par hélicoptère au cœur du désert. Des fosses à ciel ouvert, que les familles recherchent, pour enfin faire leur deuil. Des témoignages terribles et touchants qui viennent réaffirmer l’un des buts du cinéma de Patricio Guzman : travailler la mémoire.

Evidemment le passé c’est ce qui traverse les trois axes temporels de ce documentaire. Les archéologues fouillant le passé, pour mieux comprendre le présent d’un territoire divisé. Les familles cherchant les horreurs de Pinochet pour reprendre le contrôle du passé, et donc le futur. Et enfin les astronomes qui fixent les lumières des étoiles, qui viennent depuis des années-lumière. Ils observent donc le passé, pour résoudre des mystères faisant avancer notre présent. Il y a un ping-pong constant entre le passé, le présent et le futur qui relie ces nombreux témoignages. Le principe est simple à comprendre mais dans les faits on ne peut s’empêcher de trouver certains témoignages plus prenants que d’autres. Malgré toute la bonne volonté de la musique magnifique et des scientifiques passionnés, leur discours ne fait pas le poids face aux actes de l’Histoire. Une fois encore, dans le cinéma de Guzman, c’est le spectre de Pinochet qui prend le premier rôle. Le passé prend le pas sur le futur, qui pourrait être le thème d’un autre documentaire. Le désert d’Atacama est aussi le lieu ou les astronautes s’entrainent pour de futures missions sur Mars, du fait de la topologie similaire du lieu avec la planète rouge.

Maintenant que l’on sait que le film tente, en vain, d’équilibrer le passé et le futur, observons comment cela se ressent dans la mise en scène. Il y a tout d’abord l’alternance d’images du passé et du présent dans le long-métrage. On trouve ainsi des images d’archives qui rencontrent le témoignage de témoins puis même des mises en scène contemporaines où Guzman demande à un ancien prisonnier de dessiner le camp où il était retenu. L’écriture impose donc des thèmes qui voient s’affronter le passé et le présent constamment, je pense notamment à l’immobilisme des ruines du passé, qui rencontre celui des prisonniers ne pouvant bouger sous Pinochet, thématique qui vient se relier aux immenses oreilles métalliques écoutant l’espace, sans un mouvement. Le passé rencontre (une fois encore) le présent dans ces séquences. La voix-off du film va dans ce sens puisque Guzman parle à partir de ses souvenirs, donc sans chiffres ou lieux précis, des événements politiques ayant bouleverser le Chili. Il part d’ailleurs de son enfance, soit donc de son propre passé. Les plus beaux plans du film, qui montrent l’immensité de l’espace, restent d’ailleurs dans cet esprit là puisqu’ils représentent à la fois le futur de l’humanité mais aussi les lumières d’un passé lointain. Des métaphores poétiques rythment le film et en font toute sa beauté.

C’est quoi le cinéma de Patricio Guzman ? C’est un moyen de faire perdurer la mémoire et la parole des oubliés pour les générations futures. Même après la fin du régime dictatorial chilien la parole peine à se libérer. Les sociétés ont du mal à regarder leur passé pour l’accepter. La censure, même quand elle n’est plus institutionnelle, reste présente dans tous les pays du monde. Cette section au FIFAM, qui sert à mettre en lumière les disparus de l’Amérique latine, est en parfait accord avec la volonté de Guzman. Mettre en lumière est un travail permanent, difficile mais surtout magnifique.

Nostalgie de la lumière de Patricio Guzmán, 1h30, documentaire, avec Patricio Guzmán, Gaspar Galaz, Lautaro Núñez – Sorti le 27 octobre 2010

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