[CRITIQUE] Moonage Daydream – C’est très beau, oui

Les œuvres cinématographiques consacrées aux plus éminents musiciens du XXe siècle connaissent un essor fulgurant depuis l’incontournable mais parfois critiqué Bohemian Rhapsody. Entre le documentaire d’Ethan Coen sur Jerry Lee Lewis et le biopic de Baz Luhrman sur Elvis, Moonage Daydream se distingue en explorant l’univers singulier de David Bowie, un artiste d’exception. En effet, ce film ne se contente pas de narrer l’histoire conventionnelle d’une icône, de sa naissance à sa mort, de la prospérité à l’excès et à la renommée. À mi-chemin entre film de concert, récit onirique et évocation elliptique des moments clés de la progression artistique de Bowie, cette œuvre défie les normes du documentaire traditionnel pour engendrer une expérience unique et captivante.

Le réalisateur Brett Morgen (connu pour Kobain : Montage Of Heck), ayant puisé dans les archives de Bowie près de 5 millions d’éléments au cours d’un projet en gestation depuis cinq ans, ne se concentre pas sur David Jones, mais sur David Bowie, l’artiste accompli, le dieu du rock métamorphosé que Bowie a incarné pendant près de cinq décennies. Si les confidences véritablement intimes sont rares, les révélations artistiques et philosophiques foisonnent. Sur le plan narratif, le récit contient juste ce qu’il faut d’éléments pour que même ceux ayant une connaissance biographique minimale puissent suivre ce qu’on pourrait qualifier d’arc narratif. Cependant, là où le film atteint son apogée (au sens propre comme au figuré), c’est dans les magnifiques séquences de performances remastérisées. Remixées en son surround multicanal par Paul Massey à partir des œuvres de Bowie, assister à Moonage Daydream en Atmos ou en IMAX audio 12.0 (la présentation préférée de Morgen) équivaut à redécouvrir l’univers musical de Bowie.

Copyright Universal Pictures

Les interludes “expérimentaux” du film se déploient sous diverses formes, qu’il s’agisse de séquences animées, d’extraits de clips musicaux ou de films (avec notamment Metropolis en bonne place, ainsi que plusieurs films dans lesquels Bowie a joué, et des extraits de sa performance sur scène dans le rôle de John Merrick dans Elephant Man, ou encore de nombreux motifs kaléidoscopiques qui, bien que ne contribuant pas directement au récit, participent pleinement à l’atmosphère de psychédélisme transcendantal que Morgen cherche à instaurer. Avec ses 140 minutes, ce film ne se presse pas, mais il ne peut pas non plus être exhaustif comme on pourrait légitimement l’espérer d’un des premiers grands documentaires sur Bowie depuis sa disparition en 2016. Néanmoins, Morgen choisit judicieusement ses points d’intérêt, veillant à ce que chacun, du plus fervent admirateur de Ziggy Stardust à ceux ne connaissant de Bowie que la bande originale de La Vie aquatique, trouve de quoi être fasciné.

Alors que le film touche à sa conclusion, un moment musical saisissant résume le génie de Bowie d’une manière que seul un documentaire sur une icône peut accomplir. En cet instant, Morgen établit une connexion cosmique entre “Silly Boy Blue“, extrait de l’album éponyme de Bowie sorti en 1967, et “Blackstar“, titre de son dernier album studio, dans un éclair de synergie sonore qui amène à se demander si Bowie n’avait pas, d’une façon ou d’une autre, orchestré chaque étape de son odyssée musicale de 50 ans. Qui pourrait le croire ?

Moonage Daydream de Brett Morgen, 2h20, documentaire – Au cinéma le 21 septembre 2022

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