FESTIVAL DE CANNES (2023)

[CRITIQUE] Les Feuilles Mortes, Kubi & L’Enlèvement (Cannes 2023 – Jour 7)

Septième journée à Cannes avec les projections de trois films : Les Feuilles Mortes, d’Aki Kaurismäki (en compétition), Kubi de Takeshi Kitano (Cannes Première), et L’Enlèvement, de Marco Bellochio (en compétition).

LES FEUILLES MORTES, Aki Kaurismäki

© Sputnik

Cela faisait 12 ans qu’Aki Kaurismäki n’était plus venu à Cannes, lui qui avait gagné il y a plus de 20 ans un Grand Prix pour L’Homme sans Passé. Dans Les Feuilles Mortes il s’intéresse à un homme et une femme, tous deux travailleurs modestes, qui se rencontrent au hasard, se croisent, se perdent, se retrouvent… La photographie, sublime, participe à l’ambiance feutrée et au charme désuet des décors du film. Le cinéaste a un formidable sens de la composition des cadres, et surtout du montage, toujours très bien rythmé. Les séquences musicales sont assez amusantes, surtout avec ces contre-champs sur les clients du bar qui observent les chanteuses, dans une immobilité absurde rappelant les habitants de Twin Peaks. Les dialogues du film sont brillamment écrits, et rendent le film parfois hilarant grâce à des répliques absolument géniales. Kaurismäki dresse de jolis parallèles avec les personnages des Lumières de la Ville de Chaplin, dans un film intelligemment référencé, où le couple se lie grâce un cinéma d’arts et essais. Une des très belles surprises de la compétition.

Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki, 1h21, avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen – Au cinéma le 20 septembre 2023.

KUBI, Takeshi Kitano

© 2023 KADOKAWA © T.N Gon Co., Ltd.

Huit ans après la conclusion d’Outrage, sa trilogie de yakuzas, Takeshi Kitano fait son grand retour au cinéma avec Kubi, un jidaigeki sur la période tumultueuse du règne d’Oda Nobunaga au 16ème siècle. Le mot Kubi en Japonais désigne le cou, la nuque, et dans le contexte de décapitations, il peut aussi vouloir dire « tête ». Le film s’ouvre sur une rivière dans laquelle flottent les corps sans vie de soldats tombés dans une récente bataille. La caméra s’arrête sur un cadavre sans tête, et l’on distingue des crabes sortir de l’intérieur de son cou. Comme le symbole du pourrissement des hommes, qui fera tomber leurs têtes. 

Kubi de Takeshi Kitano, 2h11, avec Takeshi Kitano, Hidetoshi Nishijima, Ryô Kase – Prochainement

L’ENLÈVEMENT, Marco Bellocchio

© 2023 all rights reserved/ibc movie/kavac film/ad vitam production/the match factory/arte france cinema

Quatre ans après Le Traître, son génial film de procès malheureusement reparti bredouille de la compétition, Marco Bellochio présente L’Enlèvement, adapté de l’histoire vraie d’Edgardo Mortara, jeune garçon juif enlevé de force à sa famille au 19ème siècle pour suivre une éducation catholique, ayant été baptisé en secret. Avec un tel sujet, on pouvait imaginer que le cinéaste Italien allait tirer à boulets rouges sur l’Eglise Catholique, et c’est ce qu’il fait en partie, tout en mettant l’accent sur l’injustice de cette tragédie familiale. Mais son traitement à quelques limites, notamment une utilisation pompière et assourdissante de la musique, cherchant à surligner inutilement la dramaturgie de certaines scènes, et surtout, le derniers tiers du film, parsemé d’ellipses significatives, nous sort de la continuité du récit qui se déroulait sur un laps de temps très court, et nous fait perdre ce sentiment d’urgence mis en place dès son introduction. Une précipitation à conclure l’histoire assez dommageable, même si jusque-là son film était assez réussi, avec des envolées dramatiques baroques absolument saisissantes. Un bon film, mais qui semble amputé d’une partie du second acte, et paraît ainsi inabouti.

 L’Enlèvement de Marco Bellocchio, 2h15, avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese – Au cinéma le 25 octobre 2023

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