[CRITIQUE] Il était une fois à Hollywood – Tarantino rembobine

“Il était une fois à Hollywood” est un roman de Quentin Tarantino, mais aussi une adaptation de son long-métrage homonyme. Loin d’être une simple transposition d’un médium à un autre, l’auteur en profite pour y développer de nombreux axes, résumer certaines scènes primordiales en quelques lignes, et changer la structure narrative de son récit. En résumé, nous avons affaire à une œuvre totalement différente qui offre un regard nouveau sur une histoire que nous connaissons déjà. C’est sur ce sujet que le roman devient tout simplement passionnant. La volonté de modifier l’histoire se retrouve partout chez Tarantino, que ce soit dans l’Histoire ou dans les histoires : il adore jouer avec nos attentes pour mieux nous surprendre. Ce roman s’inscrit donc parfaitement dans la lignée de son œuvre plus générale. Revenons sur cette fascinante machine à uchronies.

En approfondissant l’univers du livre et certains de ses personnages principaux, Tarantino s’amuse de deux manières. Tout d’abord, il profite du goût cinématographique de certains personnages, en particulier Cliff Booth, pour discuter du cinéma mondial et partager des réflexions approfondies sur des films qu’il apprécie lui-même. Ainsi, les chapitres sont abondants en anecdotes de tournage et en critiques de longs-métrages. On apprend donc que le cascadeur est un grand amateur de Kurosawa : au détour d’un paragraphe, il dévoile même son top 5 des films du cinéaste (avec Les Sept Samouraïs et Vivre en tête bien sûr). Ces moments permettent à Tarantino de parler de cinéma tout en développant son protagoniste, souvent en retrait dans le film. Il en va de même pour Rick Dalton, dont le tournage complet est examiné sous de nombreux angles. Nous en apprenons ainsi davantage sur l’histoire du western qui est brièvement montrée dans le film, ajoutant ainsi de la profondeur aux séquences que nous avons déjà vues. Une fois de plus, c’est une manière pour Tarantino de revisiter l’histoire.

© Sony Pictures

Ici, l’objectif n’est pas de prévenir l’assassinat de Sharon Tate, ou de faire mourir Hitler dans un cinéma français, mais plutôt de modifier ses propres intrigues. Cette volonté de changer ou de réinventer des événements passés se remarquait déjà dans Reservoir Dogs, dès la toute première scène connue du cinéma de Tarantino. En fournissant du contexte et des théories sur “Like a Virgin” de Madonna, les protagonistes modifient leur vision de l’histoire de cette chanson. Un principe que le réalisateur utilise également dans son roman, où l’ajout de contexte modifie de nombreuses séquences. Il y a de nombreuses raisons de lire les livres de Tarantino, que ce soit “Il était une fois à Hollywood” ou “Cinema Speculations”, mais les comprendre dans la continuité de son œuvre cinématographique est l’une des plus importantes. En effet, dans sa biographie critique, l’auteur-réalisateur modifie à de nombreuses reprises l’histoire, notamment dans un chapitre où il imagine Taxi Driver réalisé par Brian de Palma, et il explore également sa propre histoire, en revenant sur ce qui l’a principalement inspiré.

Ainsi, vous l’avez compris, nous vous recommandons vivement ce roman, en particulier si vous êtes déjà fan du cinéma de Tarantino. En effet, on y retrouve son style verbeux, ses références cinématographiques et son amour des uchronies en tout genre. Mais ce simple roman modifie également la perception que vous, lecteurs, avez de ses films. Par exemple, lors d’un flashback dans la vie de Cliff Booth, où Tarantino rend hommage à l’acteur Aldo Ray, on ressent toute la tendresse et le respect que le cinéaste éprouve pour cet interprète. Ainsi, en revisitant Inglourious Basterds, on remarque que le premier rôle, également interprété par Brad Pitt, est un certain… Aldo Raine. Ce sont ces détails qui font de ce roman un incontournable pour les amateurs du réalisateur, un roman qui respecte à la fois le fond et la forme de sa filmographie.

Il était une fois à Hollywood, de Quentin Tarantino, 400 pages – Publié le 25 août 2021 par Fayard

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