À travers les méandres de l’histoire séculaire des États-Unis, le concept du “rêve américain” a émaillé maints discours. Au-delà de sa connotation matérielle axée sur la prospérité, quelle substance revêt-il pour ceux qui y adhèrent ? Une image récurrente s’impose : celle de la paisible maison de banlieue ceinte d’une clôture immaculée, où s’épanouit une famille comblée, enfants rieurs à l’appui. Bien que stéréotypée, cette représentation exerce une influence opérante et obsédante, s’incrustant dans l’imaginaire collectif lorsqu’il s’agit d’envisager la vie dans les faubourgs américains. Quels sacrifices sont prêts à consentir ceux qui poursuivent ce mirage ?
Jack (interprété par Harry Styles) et Alice (incarnée par Florence Pugh) Chambers incarnent un couple comblé des années 50, résidant dans la pittoresque cité californienne de Victory, érigée par la société où officie Jack, sous l’égide du mystérieux Frank (joué par Chris Pine). En ce lieu, Alice évolue parmi de nombreux amis : Bunny (portrayée par la réalisatrice Olivia Wilde) s’ébroue avec allégresse aux côtés de son époux Dean (campé par Nick Kroll) et de leur progéniture, tandis que les autres conjointes du quartier se conforment à un mode de vie similaire, se réunissant pendant que leurs époux s’affairent au travail. À première vue, l’existence semble idyllique, jusqu’à ce que des éclairs fugaces viennent ébranler l’esprit d’Alice. Quels secrets recèdent-ils? Et pourquoi Margaret, l’une des résidentes, est-elle si troublée au point de vouloir alerter ses pairs des périls qui guettent à Victory? Des doutes germent en Alice, l’incitant à mener l’enquête. L’occasion se présente lorsque, non loin du siège de la mystérieuse société, un avion s’écrase en périphérie de la ville. Désireuse d’éclaircir ces mystères, Alice s’engage dans une quête de vérité périlleuse, plongeant dans un univers empreint de danger, d’effroi et de violence.
Quant à la médiatisation entourant ce film, elle a éclipsé tout discours portant sur l’œuvre elle-même. Nous ignorons si Florence Pugh a éprouvé des frustrations quant à la dynamique entre le réalisateur et Harry Styles, ou si Shia Labeouf a réellement été évincé ou s’il a simplement décidé de se retirer du projet. Ces éléments sont-ils cruciaux dans le contexte d’une critique cinématographique? Peut-être, si le produit final s’avère aussi chaotique que Don’t Worry Darling. Forte du succès de son premier long-métrage, Booksmart, Olivia Wilde s’est lancée dans un second opus ambitieux et complexe, mêlant plusieurs genres sous-tendus par une forte critique sociale. Si louable soit l’effort, il est regrettable que l’exécution de Wilde pèche tant. Le long-métrage s’apparente à un spectaculaire accident, parfois divertissant pour les bonnes raisons, mais le plus souvent pour toutes les mauvaises. À tel point que son caractère défaillant en devient presque plaisant.
Dénué de son essence, le film, en s’appropriant des éléments de Matrix, de The Truman Show ou encore de l’œuvre de Philip K. Dick, échoue à se hisser au rang des grands s’il ne sait les exploiter. Confus, il désoriente par ses changements de tonalité abrupts, naviguant entre l’étude de caractères, le drame de science-fiction et l’action, sans qu’une idée cohérente n’émerge. Malgré certaines idées intéressantes, le scénario demeure mince, les personnages peu développés et l’intrigue parsemée de lacunes. La mise en scène, excessive, laisse entrevoir un manque de direction, et bien que Wilde semble peiner à narrer cette histoire, elle impose sa présence de façon étonnamment imposante, comme pour compenser les lacunes par des scènes d’action ou de conflit. Ainsi, le propos potentiellement intéressant sur le rôle des femmes dans la société ou sur le rêve américain semble relégué au second plan. En dépit de la controverse entourant sa collaboration avec Olivia Wilde, Florence Pugh livre une performance admirable, donnant vie à un personnage malgré son manque de profondeur. Chris Pine incarne avec brio le rôle de Frank, sinistrement menaçant, tandis que Kiki Layne et Gemma Chan semblent égarées dans leurs interprétations.
Visionner Don’t Worry Darling évoque l’image d’un accident de voiture, suscitant une curiosité morbide tout en reconnaissant la catastrophe. Néanmoins, l’anticipation persiste, laissant place à la curiosité face à une exécution défaillante.
Don’t Worry Darling de Olivia Wilde, 2h03, avec Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine – Au cinéma le 21 septembre 2022