Sélectionné en hors compétition au dernier Festival de Cannes, Ça tourne à Séoul ! Cobweb voit le retour de Kim Jee-woon au film de genre, que l’on connait très friand d’expérimentations sur les différents genres cinématographiques. D’un récit portant sur un réalisateur à la réputation toute faite, gâchée par les échecs critiques répétitifs de ses films, le cinéaste fait son autoportrait, à la manière de Gondry dernièrement, avec beaucoup d’autodérision. Persuadé que son projet pourrait devenir un chef-d’œuvre, il devra faire face aux difficultés de tournage et à la censure imposée par le studio.
Cobweb ne brille certainement pas par sa finesse d’écriture, répétant ici et là les mêmes sketches sur les plateaux de tournage, heureusement gratifiés de performances très convaincantes des acteurs. Song Kang-ho semble se donner à cœur joie dans l’exploitation de son personnage, sorte d’Ed Wood après l’heure, et brille encore par la qualité de ses expressions. Kim Jee-woon intègre au sein du long-métrage les scènes tournées par l’équipe en noir et blanc, plutôt réjouissantes à rappeler certains films d’horreur contemporains. Si l’esthétique générale rappelle quelque peu le “soap opera” dans le choix des couleurs, celle-ci est justement appropriée à l’absurdité générale employée pour représenter le quotidien de cette troupe. Car rien n’est plus factice que leur réalité, où les désirs des uns et des autres sont tous plus égoïstes et futiles. Si réalisation du film il y a, celle du personnage reste à faire.
Le protagoniste – du nom même du cinéaste – se rend progressivement compte de cela à mesure que le film avance, bien aidé par les visions de son père spirituel cinématographique. Sans que la dynamique dramatique soit complètement aboutie, cet équilibre tragicomique fonctionne à bien des égards. Il s’agit d’évoquer la période sensible des années 1970 où la censure cinématographique était trop présente dans la production des films sud-coréens, lié au régime autoritaire conduit par Park Chung Hee. Le terrain de créativité qu’est le cinéma, représenté ici tel un vaste terrain de jeu où les possibilités sont infinies, peut très vite partir en flammes et ne laisser derrière lui que des condamnés à obéir. La fougue du héros est marquée par la mise en scène, envolée sous travelling, et à l’image de la dernière séquence du film tournée : sans arrêt possible, car le temps manque pour se faire respecter.
N’évitant pas le ressassement d’idées de fond créant un manque de surprises, le récit amuse dans l’accomplissement d’une caricature présente au sein et en dehors du film tourné. A la manière d’une série B, il n’y a plus tellement à questionner la rationalité des faits mis en scène, tant l’élément perturbateur se renouvelle. Tous les dialogues ne sont d’ailleurs pas très réussis dans le potentiel comique, bien que cela n’ait probablement pas la prétention d’être le nouveau Jeux Dangereux (1942).
Cobweb est une proposition singulière, surtout très attachante à représenter l’engagement d’un artiste prêt à tout pour réussir. S’il n’était pas déséquilibré dans son rythme et ses péripéties, il aurait pu se hisser facilement parmi les meilleurs films de Kim Jee-Woon. Une telle générosité ne se refuse toutefois pas.
Ça tourne à Séoul ! Cobweb de Kim Jee-woon, 2h13, avec Song Kang-ho, Im Soo-jeong, Jung-se Oh – Au cinéma le 8 novembre 2023.
-
William Carlier6/10 SatisfaisantCobweb est une proposition singulière, surtout très attachante à représenter l’engagement d’un artiste prêt à tout pour réussir. S’il n’était pas déséquilibré dans son rythme et ses péripéties, il aurait pu se hisser facilement parmi les meilleurs films de Kim Jee-Woon. Une telle générosité ne se refuse toutefois pas.
-
Vincent Pelisse6/10 Satisfaisant
-
Louis Millon7/10 Bien
-
JACK7/10 BienKim Jee-woon est toujours aussi inspiré quand il manie la caméra, moins quand il faut lui fournir un sujet : même si superbement rythmé et bien interprété, Ça tourne à Séoul manque d'être une grande comédie cinéphile, la faute à un scénario déjà-vu. Song Kang-ho, impeccable.