Dans Amours à la finlandaise, Selma Vilhunen, réalisatrice et scénariste, esquisse une Finlande où les violences sociales telles que le sexisme, l’homophobie et la négativité sexuelle sont omniprésentes, tout en suggérant qu’une alternative est envisageable. Lorsque Juulia (Alma Pöysti), une députée progressiste, découvre l’infidélité de son époux Matias (Eero Milonoff), père de son fils, avec la jeune Enni (Oona Airola), elle incarne d’abord l’image classique de la femme trahie.
Consumée par un désir de pleurs, de cris et d’explications, Juulia trouve son salut dans un guide de polyamorie. Plutôt que de choisir la séparation, elle propose à Matias d’intégrer Enni dans leur union, un pacte amoureux réinventé pour ne pas perdre son amour. Bien que Matias et Enni soient d’abord perplexes, ils découvrent rapidement les avantages de cette proposition inhabituelle et acceptent de l’expérimenter. Le trio devient bientôt un quatuor lorsque Juulia rencontre Miska (Vilhelm Blomgren), un artiste drag non-binaire, dans un club queer local. Si la situation semble d’abord légère et divertissante, les tensions émergent quand Enni et Miska, les amants secrets, revendiquent leur reconnaissance en tant que partenaires à part entière.
Le long-métrage jongle habilement entre l’humour et le pathos, transformant chaque situation absurde en question existentielle. Dans cette Finlande fictive, prendre en compte le meilleur intérêt des enfants ne signifie pas les protéger des désirs, mais plutôt les exposer à ces possibilités. En effet, l’enfant et la femme y sont loin d’être des êtres fragiles à protéger de la sexualité. Dans l’univers que Juulia orchestre, enfants et femmes semblent en savoir davantage, et ce, avant tout le monde. C’est à travers la légèreté de l’enfance que la vie romantique et sexuelle des adultes trouve un équilibre plus sain. L’une des scènes les plus charmantes du film est celle où Juulia rencontre Miska pour la première fois. Fascinée par l’exubérance queer de Miska sur scène, Juulia, flirtant avec les merveilles d’une hétéro-domesticité non monogame, s’ouvre à des joies auparavant inimaginables. Cette séquence soulève la question de combien de relations potentielles (sexuelles ou romantiques) sont perdues faute d’imagination.
Amours à la finlandaise critique parfois avec une finesse bergmanesque la monogamie traditionnelle. Mais contrairement à Bergman, Vilhunen ne s’attarde pas sur la souffrance. Et malgré la libération que procure ces arrangements queer, ce sont les femmes et les non-binaires qui portent le poids de la réflexion et de la souffrance. La cinéaste s’intéresse moins à la poétique de la douleur féminine qu’aux possibilités émanant du mécontentement féminin, une fois que la femme ose mettre fin à sa naturalisation en déplaçant et multipliant ses sources de plaisir.
Amours à la finlandaise de Selma Vilhunen, 2h01, avec Eero Milonoff, Alma Pöysti, Oona Airola – Au cinéma le 3 janvier 2024.
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Louan Nivesse7/10 Bien