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[CRITIQUE] Rien à Perdre – Tout ça pour une simple frite

Le cinéma français, fort de sa tradition de drames familiaux, offre souvent des récits émotionnels qui touchent le cœur du spectateur. Delphine Deloget, avec son premier long-métrage, Rien à Perdre, présenté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes, s’inscrit dans cette lignée. Sous une apparence de drame familier, le film explore des questions complexes liées à la parentalité et à la rigidité du système de protection de l’enfance.

Rien à Perdre nous plonge au cœur de la vie chaotique de Sylvie, une mère célibataire travaillant de nuit comme serveuse pour subvenir aux besoins de ses deux fils, Jean-Jacques et Sofiane. Lorsqu’un incident tragique survient, les services de protection de l’enfance interviennent, dévoilant la complexité et la froideur du système. Le film évite le simplisme en montrant les services sociaux comme une entité aux contours nuancés, parfois zélée, parfois préoccupée par le bien-être des enfants. Cette subtilité enrichit l’intrigue et soulève des questions morales profondes. Le cœur battant du film est la performance exceptionnelle de Virginie Efira. L’actrice belge, qui incarne Sylvie, apporte une profondeur et une humanité à son personnage qui transcendent le genre du drame familial. Sa relation avec ses enfants à l’écran semble si authentique que l’on pourrait croire qu’ils sont sa propre famille. Efira, aux côtés de Félix Lefebvre, qui incarne son fils aîné, Jean-Jacques, crée un lien maternel-filial d’une rare intensité.

© Curiosa Films

Rien à Perdre ne se contente pas de raconter une histoire de lutte contre un système oppressif, il s’agit également d’une étude de caractère captivante. Sylvie, malgré son amour inconditionnel pour ses enfants, n’est pas idéalisée, mais présentée comme une mère imparfaite qui fait de son mieux dans des circonstances difficiles. Le film soulève la question morale de savoir si son environnement est réellement propice à l’épanouissement de son fils, créant ainsi un conflit intérieur poignant. Pourtant, malgré ses qualités indéniables, le long-métrage de Delphine Deloget déçoit légèrement dans ses dernières minutes. La résolution du conflit, bien que satisfaisante d’un point de vue émotionnel, peut sembler artificielle et peu réaliste. Après avoir construit habilement son intrigue et développé ses personnages, le film semble opter pour une fin plus simple, ce qui est dommage. Un exemple notable est la manière dont le film pose la question de savoir si « l’amour suffit » dans un contexte de drame familial, mais n’approfondit pas suffisamment cette problématique.

À travers l’exploration des défis auxquels une mère célibataire est confrontée dans un système de protection de l’enfance rigide, le film touche le spectateur en profondeur et suscite la réflexion. Soutenu par la performance exceptionnelle de Virginie Efira, il transcende les limites du mélodrame pour devenir un portrait saisissant de la complexité humaine. Rien à Perdre reste une œuvre mémorable et émotionnellement puissante qui mérite pleinement sa place dans nos salles.

Rien à Perdre de Delphine Deloget, 1h52, avec Virginie Efira, Félix Lefebvre, Arieh Worthalter – Au cinéma le 22 novembre 2023.