Rechercher

[CRITIQUE] Le Dernier Voyage du Demeter – Dracula, si tu m’oublies

Décidemment, les adaptations de Dracula fusent en ce moment, puisqu’en un an environ, trois adaptations du roman de Bram Stoker sortent en salles. Nous avons pu voir Nicolas Cage incarner le vampire dans Renfield. Robert Eggers s’attaque au mythe de Nosferatu avec un remake de l’alter ego chauve du plus célèbre des vampires. En ce mois d’août, Le Dernier Voyage du Demeter, une nouvelle production horrifique d’Universal, fait son entrée dans nos salles. À la barre de ce projet, nous trouvons André Øvredal, réalisateur norvégien ayant notamment dirigé The Troll Hunter, un found-footage qui ne m’a pas laissé de souvenirs impérissables, ainsi que The Jane Doe Identity, que je n’ai malheureusement pas vu, mais dont les échos étaient bons.

Cette nouvelle adaptation de Dracula est un projet très intrigant. Comme son nom l’indique, le film traite du dernier voyage du Demeter, le navire qui transporta le comte à Londres, loin de ses terres natales roumaines. Le film tire donc son scénario d’un court passage du roman. Bien que le déroulement des événements soit connu, les détails restent incomplets. Cette adaptation offre ainsi une certaine liberté quant au contenu du film. Cependant, c’est là que le problème survient, car cette originalité potentielle n’est jamais exploitée durant l’heure cinquante-huit du film.

Le Dernier Voyage du Demeter est un film d’épouvante somme toute assez classique et conventionnel, avec sa galerie de personnages stéréotypés. Le premier défaut majeur du film réside dans le fait qu’il se regarde trop lui-même et cherche à trop commenter son propre récit. Beaucoup trop de temps est consacré à la présentation des marins, afin de bien mettre en évidence le manichéisme régnant au sein de l’équipage. Cette présentation indigeste facilite malheureusement la prédiction de l’ordre des décès.

© 2023 Universal Studios and Amblin Entertainment. All Rights Reserved.

L’exercice consistant à adapter ce passage du roman était intéressant mais risqué, car Stoker avait intentionnellement laissé planer le mystère sur le voyage du bateau, ne fournissant que des bribes de journal de bord. Le problème du film d’Øvredal réside dans le fait que la mise en images de ce non-dit littéraire se contente de recycler les clichés du cinéma horrifique contemporain, avec ses personnages stéréotypés et ses effets racoleurs trop fréquents. Même si certaines apparitions fonctionnent, le rythme horrifique est mal géré, prévisible à chaque instant et donc jamais surprenant. En somme, Le Dernier Voyage du Demeter est une franche déception, même dans le paysage horrifique relativement pauvre de l’année 2023.

Il convient de mentionner quelques aspects positifs. En effet, la première partie du film parvient à instaurer une ambiance gothique, presque fascinante, avant d’être gâchée par les nombreux jumpscares ratés. On peut également saluer Aisling Franciosi, bien que sa présence ici m’attriste, après sa brillante performance dans The Nightingale. Elle n’est pas la seule à bord de ce projet à susciter des réserves. On peut citer Liam Cunningham ou David Dastmalchian, dont la présence est étonnante. Quelques moments “osés” méritent d’être soulignés, entre guillemets, en réalité, des séquences inattendues (notamment le traitement du personnage enfant) dans un film au scénario trop standardisé.

Ce scénario, bien que conventionnel, ne serait pas problématique s’il ne tombait pas par moments dans la bêtise pure. Sans dévoiler l’intrigue, il est déconcertant de constater que les protagonistes découvrent comment tuer le vampire sans pour autant mettre cette connaissance en pratique. Cette scène perturbe considérablement l’immersion dans le film. Par ailleurs, il est légitime de se questionner sur la structure dramatique du film. L’effort de rendre les personnages attachants est évident, bien que peu réussi. Cependant, il faut rappeler que l’histoire s’achève avec la disparition de tout l’équipage, ce qui laisse aisément deviner le destin des protagonistes. Dans un tel contexte, ne serait-il pas plus judicieux de créer un film sanguinaire et nihiliste, où les hommes sont constamment dépassés par les événements ? Bien entendu, je comprends que cette approche serait fantaisiste pour un film qui vise avant tout à divertir. L’espoir est tenace, après tout.

© 2023 Universal Studios and Amblin Entertainment. All Rights Reserved.

Deux aspects importants n’ont pas encore été abordés, bien qu’ils soient au cœur du métrage : le Demeter et Dracula. En ce qui concerne le premier, la déception persiste. À l’exception de la brève introduction, le film se déroule en huis clos à bord de ce navire du XIXe siècle. Malheureusement, la mise en scène ne tire que rarement parti de cette contrainte spatiale. Quelques coins sombres, quelques couloirs étroits, mais l’idée d’un élément envahissant à bord du navire n’est jamais pleinement exploitée. Le film aurait pu se dérouler dans un train, un avion ou au 8 rue de l’Humanité sans que cela n’affecte l’intrigue. Cela ne constitue qu’une des nombreuses faiblesses de la réalisation, qui n’arrive jamais à captiver autour du lieu d’action, des personnages humains, ou même de Dracula. Cette lacune est regrettable, surtout lorsque l’on considère les nombreuses adaptations précédentes du personnage, certaines réalisées par de grands noms du cinéma.

Ce qui distingue Le Dernier Voyage du Demeter des autres adaptations réside en une seule chose : ce vampire n’est pas Dracula. En réalité, il ne ressemble pas non plus à Nosferatu, bien qu’il partage quelques similarités physiques. La créature du film se rapproche davantage de celle présente dans The Witcher 3, de par son apparence, son comportement et sa franche stupidité. À maintes reprises, le film m’a rappelé la bestialité des vampires affrontés par le Sorceleur, plutôt que l’importateur roumain que l’on connaît. Le choix de présenter Dracula comme une créature purement bestiale est cohérent, mais il ne se traduit jamais dans la mise en scène, qui se veut grand public et évite le côté sanglant.

Le film surprend par certains choix, mais toutes les initiatives, aussi mineures soient-elles, sont étouffées par une mise en scène peu inspirée et des personnages de plus en plus insupportables. Le Dernier Voyage du Demeter aurait pu devenir une série B sympathique, dans laquelle le comte s’amuserait à déchiqueter tout ce qui bouge. Malheureusement, il reste un film insipide et oubliable, s’enfonçant dans le marasme des adaptations vampiriques, car il ne fait aucun effort pour se démarquer du reste de la meute.

Le Dernier Voyage du Demeter d’André Øvredal, 1h58, avec Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham – Au cinéma le 23 août 2023.

2
0

Un Ping

  1. Pingback: [RECAP #2] Halfway Home, property & stopmotion (PIFFF) - C'est quoi le cinéma ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *