[REVIOWZ] Les Révoltés de l’An 2000 – La plus juste et cruelle introspection

Avec son œuvre controversée de 1976, Les Révoltés de l’An 2000, Narciso Ibáñez Serrador a non seulement suscité l’indignation parmi les spectateurs, mais il s’est également établi comme l’un des cinéastes les plus singulièrement énigmatiques de son époque. Ce long-métrage consacra son statut d’artiste privilégiant la subversion des idéaux communs. Bien que La Résidence soit peut-être son œuvre la plus célèbre, il est indéniable que le long-métrage constitue son chef-d’œuvre. Cruelle, audacieuse et osée, cette expérience cinématographique s’avère aussi viscérale qu’obsédante. Ce n’est pas un film que l’on apprécie nécessairement ; admirer son audace n’est certainement pas rare, pas plus que d’être fasciné par la volonté brute de son récit. C’est une expérience bouleversante bien plus terrifiante que les œuvres plus traditionnelles. le réalisateur ne cherche pas à effrayer, mais à susciter la réflexion. Il offre une narration controversée sans jamais être vulgaire ou renoncer à une morale claire. Une réflexion qui aborde de façon unique une histoire commune, nous présentant un chef-d’œuvre de l’horreur incroyablement original, mais non moins perturbant.

Copyright Carlotta Films

Un couple anglais, Tom (Lewis Fiander) et Evelyn (Prunella Ransome), s’apprête à accueillir leur troisième enfant. Avant que leur vie ne soit engloutie par le chaos organisé de prendre soin d’un nouveau-né, ils décident de partir en vacances sur la belle côte espagnole. Leur destination est Benahavís, une ville animée débordante de joie et d’exubérance. Cependant, leur destination finale est Almazora, une petite île située à quelques heures du continent, que Tom avait visitée une décennie auparavant. À leur arrivée, le pittoresque village en bord de mer est paisible, mais trop. Ce qu’ils prennent initialement pour une tranquillité rurale se révèle finalement être un désespoir, alors qu’ils découvrent que l’île est dépourvue d’adultes, les seuls habitants étant des enfants sinistres. Nos protagonistes apprennent bientôt que ces jeunes sont en pleine frénésie, assassinant chaque adulte qu’ils rencontrent en raison d’une épidémie mentale qui a transformé ces enfants innocents en meurtriers dérangés et froids. Il devient clair que ces vacances étaient une erreur pour les futurs parents, car l’évasion semble presque impossible, et il y a autre chose qui les empêche de riposter contre ces monstres juvéniles et d’obtenir leur propre vengeance, comme le souligne le seul autre adulte que Tom et Evelyn rencontrent sur l’île maudite : “qui peut tuer un enfant ? “.

Dès le premier instant, le film est terrifiant. Serrador commence en présentant au public des images de différents moments de l’histoire – l’Holocauste, les guerres en Corée et au Vietnam, ainsi que les troubles civils au Nigeria. Il rassemble ces événements sous un thème commun – la souffrance des enfants, et comment leur sort est bien plus significatif que celui des adultes. Le cinéaste fait une déclaration obsédante – en période de guerre et de conflit social, ce ne sont pas ceux qui provoquent les guerres qui souffrent le plus, mais les enfants. Ils sont innocents des jeux de pouvoir des adultes, mais sont les plus grandes victimes de ces atrocités. Serrador propose une idée fascinante : et si les enfants, victimes impuissantes depuis des siècles, commençaient soudainement à se venger de ceux qui les ont maltraités en prenant les choses en main eux-mêmes ? Les Révoltés de l’An 2000 adopte cette idée, présentant les enfants comme des êtres qui se vengent à travers des meurtres de masse froids et sanglants. C’est une idée intéressante, mais aussi profondément dérangeante, surtout compte tenu du fait que les enfants sont souvent représentés comme des parangons d’innocence. Serrador façonne une histoire cruelle mais captivante sur la vengeance, suscitant la réflexion plutôt que la simple terreur.

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Le film est simple, mais ses thèmes sont complexes. Le dispositif de cadrage utilisé dans l’introduction, où nous prenons conscience des atrocités subies par les enfants par le passé, incite à une réflexion intéressante sur leur rôle dans le récit. Bien que les conventions d’un film d’horreur traditionnel divisent clairement le bien et le mal, Les Révoltés de l’An 2000 brouille légèrement ces frontières. Serrador essaie de montrer que les meurtres ne sont pas motivés par des impulsions aléatoires, mais plutôt par la vengeance, une forme de revanche pour des années de violence envers ces enfants. Il présente les enfants tueurs non seulement comme des méchants, mais aussi comme des victimes, et bien qu’il ne soit pas sentimental à leur égard, il ne les ridiculise pas non plus. La question morale posée, comme l’indique le titre, est au cœur du film. Qui peut tuer un enfant ? Cette idée anime le récit, et même lorsque les adultes sur l’île sont tous morts à la fin, et que les enfants se dirigent vers le continent pour propager davantage leurs tendances meurtrières, nous ne pouvons pas être entièrement contre eux. Il y a quelque chose en eux qui suscite l’empathie, malgré leurs actes horribles.

Les Révoltés de l’An 2000 sacrifie le divertissement pour une approche réaliste, offrant l’un des récits les plus obsédants de son époque. Il nous donne accès à une perspective rarement représentée dans les médias, surtout en temps de conflit, où les innocents sont les plus touchés. C’est un film qui trouve ses frayeurs non pas dans la terreur manifeste, mais dans la réalité sociale bouleversante qui nous entoure.

Les Révoltés de l’an 2000 de Narciso Ibáñez Serrador, 1h52, avec Lewis Fiander, Prunella Ransome, Luis Ciges – Disponible sur Shadowz

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