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[RETOUR SUR] Phone Game – Prise d’Otages

Phone Game se trouve parmi les productions post-11 septembre qui ont été touchées par une réticence croissante des studios à produire des films rappelant les tragédies du monde réel. Le thriller de Joel Schumacher, initialement prévu pour une sortie en novembre 2002 au USA, a été retardé par la 20th Century Fox à la suite des fusillades perpétrées par un tireur embusqué dans la région de Washington D.C. L’attente a été récompensée par une sortie qui a suscité l’enthousiasme en ce début d’année. Programmé au printemps, il s’impose comme le meilleur thriller de l’année 2003. La meilleure manière de le caractériser est d’en souligner l’extravagance, tout en reconnaissant son côté divertissant. Le montage serré, le rythme effréné et le suspense intense nous captivent pendant près de 80 minutes, nous permettant de mettre de côté nos réserves. Plus tard, une réflexion plus approfondie pourrait révéler certaines incohérences dans l’intrigue, mais c’est à la fin du film que ces failles deviennent évidentes, ce qui témoigne du talent des cinéastes. Hitchcock aurait qualifié ce type de film de “film réfrigérateur”, où les incohérences ne viennent à l’esprit qu’après coup, lorsqu’on cherche une collation dans le réfrigérateur. Il aurait certainement apprécié la mise en scène de Schumacher dans ce domaine.

Stuart Shepard (incarné par Colin Farrell) est un attaché de presse volubile, confiant de sa position dominante dans le monde. Paré de costumes de créateurs et d’une montre de luxe factice, il arpente les rues de Manhattan, téléphone portable à l’oreille, n’acceptant pas de refus. Une voix off nous fait remarquer : “Autrefois, parler seul était signe de folie. Désormais, c’est un signe de statut.” Chaque jour, Stuart se rend à la cabine téléphonique de la 53e rue et de la 8e avenue pour appeler Pamela (interprétée par Katie Holmes), une séduisante actrice qu’il envisage de courtiser. Bien qu’il n’ait pas encore franchi le pas, il utilise la cabine pour éviter que sa femme (Radha Mitchell) ne découvre le numéro de Pamela sur sa facture téléphonique. Cependant, cette routine quotidienne n’échappe pas à l’attention, et dès que Stuart raccroche avec Pamela, le téléphone de la cabine sonne. Une voix (celle de l’acteur Kiefer Sutherland, connu pour sa série télévisée 24 Heures chrono) l’accuse de “manque d’humanité envers son prochain” et de “manipulation, d’évitement et de tromperie“. Cette voix affirme avoir un fusil de précision braqué sur la cabine depuis l’un des nombreux bâtiments surplombant l’intersection, menaçant de tuer Stuart s’il quitte l’enceinte. Pour prouver sa détermination, la voix prend une première victime. La panique s’installe et la police, dirigée par un capitaine (Forest Whitaker), intervient, exhortant Stuart à raccrocher le téléphone et à sortir de la cabine téléphonique.

Il est remarquable qu’un film centré sur un homme piégé dans une cabine téléphonique puisse captiver, mais Phone Game réussit grâce à des ressorts narratifs similaires à ceux de Speed : une prémisse apparemment sans issue qui se voit constamment enrichie de nouveaux rebondissements. Pour l’apprécier pleinement, il est préférable de ne pas chercher les failles de l’intrigue pendant le visionnage, mais de les découvrir après coup. Pour ceux qui adoptent cette approche, il offre une montée d’adrénaline continue et tenace.

Colin Farrell offre une performance remarquable qui confirme sa réputation. Il porte le film avec brio, démontrant comment la peur et l’incertitude peuvent ébranler même les hommes les plus assurés. Forest Whitaker apporte un soutien solide dans le rôle du policier déterminé à empêcher un suicide par la main de la police, tout en commençant à envisager Stuart comme un otage plutôt qu’un preneur d’otages. La cabine téléphonique, lieu principal de l’action, instaure une atmosphère claustrophobique. De plus, l’antagoniste reste invisible pendant une grande partie du film : une voix froide et menaçante au bout du fil, jouant le rôle de Dieu. Kiefer Sutherland mérite des éloges pour sa performance avec des possibilités d’expression limitées. Tout comme dans Duel de Steven Spielberg ou Joy Ride de John Dahl, l’ennemi est implacable. Au fil du temps, les options de Stuart se réduisent, le plaçant dans un jeu à sens unique où seul le dénouement fatal semble possible. Phone Game suscite chez le spectateur une véritable inquiétude quant à son issue finale.

Phone Game de Joel Schumacher, 1h21, avec Colin Farrell, Forest Whitaker, Katie Holmes – Sorti le 27 août 2003

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