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[RETOUR SUR..] L’Île aux chiens – Le Japon montre les crocs

4 ans après le grandiose The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson revient avec un nouveau film d’animation, tourné en stop-motion comme son Fantastic Mr. Fox sorti en 2009.

Tout d’abord, L’Île aux Chiens, ça parle de quoi ? On se retrouve au Japon, dans la ville fictive de Megasaki, où le Maire Kobayashi décide d’envoyer en quarantaine tous les chiens sur une île pour soi-disant éviter la propagation d’une grippe canine. Son neveu de 12 ans, Atari part à la recherche de son fidèle Spots, qui a été le premier déporté, et tentera de déjouer le plan de son oncle à l’aide d’une bande de chiens atypique…

C’est effectivement un film d’animation, mais ce n’est pas du « dessin animé » comme on en a l’habitude ou de la 3D, non ici le procédé utilisé est le « stop-motion » ou « animation en volume ». Cette technique implique véritablement un travail titanesque. Sans compter la fabrication des marionnettes pour les personnages et les décors, tous réalisés avec un goût du détail proche de l’orfèvrerie, il faut photographier chaque parcelle de mouvement réalisé. C’est-à-dire que le moindre poil de chien qui frétille nécessite une, voire plusieurs photos pour que le mouvement soit correctement décomposé à l’écran.

Chaque semaine, les animateurs parvenaient à tourner en moyenne 12 secondes de film (!!!). Rien que les prises de vue ont duré plus de 2 ans au total ! Et en effet, la quantité de travail réalisée se ressent de manière frappante dès les premières secondes du film.

© 2017 Twentieth Century Fox

Concernant l’animation en volume, Wes Anderson n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il en avait déjà intégré quelques éléments dans La Vie Aquatique en 2004, avant de réaliser entièrement en stop-motion Fantastic Mr. Fox en 2009. Pour son nouveau long-métrage, le cinéaste pousse le concept encore plus loin. Une recherche artistique visuelle plus poussée, mais également un propos de fond plus adulte.

Car qui dit film d’animation ne dit pas nécessairement film pour enfants ! Par exemple Fantastic Mr. Fox, adapté d’un roman de Roald Dahl peut avoir différentes grilles de lecture selon l’âge du spectateur, alors qu’ici L’Île aux Chiens est difficilement abordable pour des enfants. En effet, un enfant peut aller voir ce film et l’apprécier, mais comparé à son prédécesseur, il est bien plus sombre et politique, c’est pourquoi ce film n’est pas véritablement destiné à un jeune public. Le film aborde différents thèmes : la corruption, la ségrégation, la cause animale, la démocratie, la liberté, ainsi que l’écologie. Pas vraiment le divertissement d’animation classique donc.

La mise en scène du long-métrage transpire le style de Wes Anderson. On retrouve absolument tout ce qui lui est cher et ce qu’il fait de mieux : son sens du cadrage et de la symétrie, le positionnement des personnages dans le cadre, les décors foisonnant de détails, et ce montage dynamique, « cartoonesque » à la manière de cases se succédant dans une bande-dessinée. L’écriture des dialogues est toujours aussi jouissive, l’humour faisant mouche à chaque fois.

A propos des dialogues, les humains parlent en Japonais pendant tout le film, cependant il est stipulé d’entrée que cette langue ne sera pas sous-titrée, mais seulement traduite parfois par des interprètes ou des instruments de traduction. Étrange, de ne pas comprendre tous les dialogues d’un film ! Sauf qu’ici, en inversant les rôles avec les chiens (dont les aboiements retranscrits en anglais sont sous-titrés), le but est d’instaurer une compréhension mutuelle entre les animaux et les humains, seulement avec les intonations de voix et la gestuelle.

© 2017 Twentieth Century Fox

Le cinéaste rend ici un immense hommage à la culture japonaise, dans la représentation visuelle d’un Japon moderne et très traditionnel à la fois, mais aussi à travers de nombreux clins d’œil disséminés un peu partout. Concernant le cinéma Japonais, Anderson cite 2 références : Hayao Miyazaki pour la quête d’un adolescent dans un monde beau et dangereux ; et Akira Kurosawa, dont l’influence se ressent à différents niveaux. D’abord visuellement, avec les chiens mis en scène comme des samouraïs avant un duel, puis avec la musique.

En effet, la fabuleuse bande originale composée par Alexandre Desplat est remplie de musiques à sonorité traditionnelles, comme les percussions au début du film rappelant le théâtre Kabuki. Mais sont également intégrés 2 titres issus des œuvres de Kurosawa, à savoir le thème du film Les Sept Samouraïs et celui de L’Ange Ivre.

Parlons enfin du casting vocal. Une particularité de ce film est que le casting V.F. réunit de nombreux grands noms du cinéma Français actuel. Seulement, il existe une différence fondamentale avec la version originale, et cela va plus loin que le jeu des acteurs, la retranscription des dialogues, ou l’adéquation des voix.

En plus d’avoir un casting 5 étoiles, pour la plupart habitués à tourner avec Anderson, ces acteurs n’ont pas fait de doublage traditionnel pour ce film. C’est-à-dire que contrairement aux acteurs Français qui ont joué leur texte devant les images du film, ici les acteurs de la V.O. font de la création de voix. Ils enregistrent leurs scènes sans images, bien avant que les séquences soit tournées. L’animation est ensuite calquée sur leur travail, et les marionnettes, reproduisent même dans leur design la diction et les expressions faciales des acteurs. Voilà il est fortement recommandé de regarder ce film en version originale.

© 2017 Twentieth Century Fox

En somme, ce film est un nouvel exercice de maîtrise de la part de Wes Anderson. Ce film transpire la précision, et ce, dès les premières secondes. Bien que son style soit facilement reconnaissable, le réalisateur Texan parvient encore une fois à se renouveler pour nous offrir un moment de cinéma unique et réjouissant.

Avec un casting talentueux, une sublime mise en scène, des personnages singuliers et attachants, un hommage somptueux à la culture Japonaise, et une partition marquante d’Alexandre Desplat ; difficile ne pas tomber sous le charme de cette fable poétique et politique, à l’esthétique éblouissante.

En plus d’être une véritable déclaration d’amour au Cinéma et au Japon, le long-métrage est épris d’affection pour le meilleur ami de l’homme, jusque dans le titre original : « Isle of Dogs » qui s’entend phonétiquement comme « I Love Dogs »…

L’Île aux chiens de Wes Anderson, 1h42, avec beaucoup trop d’acteurs – Sorti le 11 avril 2018 au cinéma.

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