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[RETOUR SUR..] John McCabe – L’évolution du western (Festival Lumière 2023)

Au Festival Lumière, la programmation de John McCabe de Robert Altman est un grand bonheur, car cela permet d’aborder l’un des films mettant en vedette le plus grand acteur du monde, Warren Beatty.

John McCabe est un western réalisé par Robert Altman, une figure majeure du Nouvel Hollywood, célèbre pour des films tels que Le Privé ou Nashville. Avant de réaliser ce western, Altman avait été reconnu l’année précédente pour son célèbre M.A.S.H., lauréat de la Palme d’or à Cannes, de deux Golden Globes et d’un Oscar. Pour cette nouvelle réalisation, il adapte le roman d’Edmund Naughton et s’entoure du couple Beatty-Christie.

L’histoire se déroule au début du XXe siècle à Presbyterian Church, dans l’État de Washington. À une époque où les westerns américains se font de plus en plus rares, cédant la place aux westerns spaghetti après les succès de Sergio Leone (même s’ils n’ont pas été aussi bien reçus aux États-Unis), ils adoptent une approche particulière. Des films comme La Horde Sauvage ou Little Big Man abordent la fin de l’Ouest sauvage, racontant des récits héroïques ainsi que des tranches de vie quotidienne (comme le magnifique Stars in my Crown de Jacques Tourneur). John McCabe, également connu sous le titre McCabe & Mrs. Miller en anglais, s’inscrit dans cette même démarche, tout comme les films de Peckinpah et de Penn. L’année 1902, dans laquelle se situe l’action du film, est bien éloignée de la grande période de la Conquête de l’Ouest, alors que le territoire américain est en grande partie colonisé et traversé par des chemins de fer.

© D.R.

De plus, le cadre géographique du film s’éloigne des décors classiques du western, car le désert n’est plus à conquérir. Au lieu de cela, l’action se déroule dans les montagnes enneigées du nord-ouest de l’Amérique. Cette différence géographique amène Altman à traiter ses personnages de manière distincte, une approche qui rappelle celle de Corbucci avec Le Grand Silence, par exemple. John McCabe est un film atypique dans son traitement du sujet. C’est une œuvre singulière qui partage certaines thématiques et personnages avec La Porte du Paradis (bien que les deux films soient bien différents). Le titre anglais reflète mieux le film d’Altman que la traduction française. Le film ne se concentre en effet pas uniquement sur McCabe, mais aussi sur son association avec Constance Miller. La chimie entre Beatty et Christie, qui étaient en couple à l’époque, est évidente et constitue l’une des grandes forces du film. Les seconds rôles suivent également cette dynamique et sont tout aussi impressionnants.

Le film se distingue par ses décors atypiques, parfaitement mis en scène par Altman. Il nous plonge dans ces nouvelles constructions en bois, faisant ressentir le froid et l’isolement du lieu. Le long-métrage peut presque être perçu comme un huis clos, car l’action se déroule principalement à Presbyterian Church, avec de rares incursions à l’extérieur. Ce sentiment est renforcé lorsque des étrangers font irruption, ceux-ci étant filmés différemment des habitants de la ville, ce qui les rend presque menaçants pour les protagonistes et contribue à l’atmosphère unique du film.

© D.R.

Dans le contexte de la fin de l’omnipotence des studios et de l’émergence du Nouvel Hollywood, John McCabe incarne ce mouvement, tant dans son approche du western que dans les thèmes qu’il aborde. Il ne s’agit pas du premier film, ni du premier western, à mettre en avant un groupe de femmes fortes et unies. Le film de William A. Wellman, Convoi de Femmes, en est un exemple notable. Cependant, là où ce dernier présente des femmes rejoignant leurs maris pour devenir de bonnes mères américaines, Altman met en avant des prostituées, sans porter de jugement négatif sur leur profession. Il montre même comment ces femmes s’entraident. Que ce soit à travers le personnage de Christie ou les scènes montrant la solidarité entre elles, John McCabe met en avant des femmes puissantes, à la fois dans leur vie et dans leur entreprise, tandis que les personnages masculins font souvent appel à l’aide des femmes et auraient du mal à s’en sortir sans elles.

Bien que le film ne respecte que peu de conventions du grand western classique, il offre tout de même une confrontation finale magnifique. Dans cette scène, Altman joue sur la chaleur et le froid pour créer une tension et une beauté cinématographique rares dans le genre. Avec Warren Beatty, toujours aussi magnétique et beau, et Julie Christie, tout aussi convaincante dans ses rôles, Robert Altman signe un petit bijou enneigé et une belle histoire d’amour. John McCabe est un incontournable pour ceux qui s’intéressent au Nouvel Hollywood, à la carrière de Beatty, de Christie, ou tout simplement au western américain, car il reflète parfaitement l’évolution du genre après la fin de l’Âge d’or.

John McCabe de Robert Altman, 2h, avec Warren Beatty, Julie Christie, Rene Auberjonois – Sorti en 1971

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