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[RETOUR SUR…] Exodus, Gods and Kings – Terre promesses

Quand on se penche sur sa filmographie, on remarque que la plupart des films reconnus de Ridley Scott ont plus de vingt ans. Alien, Blade Runner, Thelma et Louise ou plus récemment Gladiator sont les noms que l’on retient le plus souvent quand on parle du britannique. On considère par ailleurs que le XXIe siècle est plus compliqué pour Scott. Malgré des contre-exemples tel que Seul sur Mars en 2015 ou Le Dernier Duel en 2021, un nouveau film de Ridley Scott est bien souvent accompagné de railleries et de mauvaises presses. Pourtant, à se repencher sur ses derniers films, force est de constater que certaines pépites s’y cachent, comme Les Associés et qu’une question pourrait se poser, Scott est-il réellement moins bon et moins inspiré ces dernières années ou sommes-nous parfois trop durs avec lui, jusqu’à avoir des préjugés sur les films où son nom apparaît à l’écran ?

Exodus – Gods and Kings s’inscrit dans la lignée de ces films conspués dernièrement, tant par la critique que par le grand public. Narrant le parcours de Moïse et de l’exode des Juifs hors de l’Egypte, Scott revient, en 2014, à un genre balbutiant qu’est le péplum. Hormis quelques coups de réalisateurs ambitieux, comme le Troie de Wolfgang Petersen ou le Alexandre d’Oliver Stone, ces récits antiques sont bien moins présents que durant l’âge d’or hollywoodien. Cet âge d’or, c’est ce que cherchait Ridley Scott avec son Gladiator, grand mélodrame fictif prenant place dans la Rome antique, c’est aussi ce qu’il cherche avec son Exodus en allant lorgner du côté du dernier film de Cecil B. DeMille et l’un des plus célèbres péplums, Les Dix Commandements.

Copyright 2014 Twentieth Century Fox

En voyant Exodus, on comprend bien pourquoi DeMille avait mit en scène un récit fleuve de près de quatre heures car l’une des seules vraies limites du film de Scott est la construction de son récit. Ne s’étendant que sur 2h30 et devant élaguer certaines parties de l’Exode, le film fait parfois des ruptures de ton très importantes entre deux scènes. De même, certains personnages importants dans le film de 1956 et dans les Ecritures passent à la trappe. Néfertari était sublime de cruauté quant elle était incarnée par Anne Baxter, ici Golshifteh Farahani n’a que peu de matière pour s’illustrer, tout comme Aaron Paul campant pourtant le rôle de Josué. Malgré tout, ces défauts d’écriture n’entachent que peu la maestria dont fait preuve Ridley Scott avec son film et Exodus est une merveilleuse fresque épique comme on en fait peu aujourd’hui. Serait-ce cet aspect qui dérange tant avec le britannique de nos jours ? Car il faut bien l’avouer, peu de gens embrassent autant l’héritage de l’âge d’or hollywoodien que Scott, si ce n’est un Clint Eastwood, lui aussi très friand de grands portraits mélodramatiques. Dans le paysage américain de ces deux dernières décennies, Ridley Scott semble d’ailleurs être l’un des seuls à vouloir, ou du moins à réussir, à amener un souffle épique à ses œuvres.

C’est finalement ce qu’est Exodus, un pur récit épique qui s’affranchit cependant des grandes œuvres de l’âge d’or en se recentrant sur son personnage principal. Jamais dans ses grandes œuvres épiques, que ce soit Kingdom of Heaven ou Gladiator, Scott n’avait autant mis son protagoniste au centre du récit. Christian Bale est loin du Moïse de Charlton Heston, véritable main et messager de Dieu dans le conflit qui l’oppose à Pharaon. Scott trouve une réelle justesse dans le questionnement, non seulement de la foi, mais aussi de la morale de son Moïse. Ainsi, Exodus ne glorifie pas les Ecritures comme pouvait le faire le film de DeMille mais apporte au patriarche une dimension bien plus humaine et assez unique, d’autant que Moïse ne fait pas l’objet de nombreuses adaptations au cinéma, hormis les deux films de DeMille et Le Prince d’Egypte.

Copyright 2014 Twentieth Century Fox

Il faut bien le dire, Exodus, comme d’autres de ses films comme Prometheus ou Cartel, dénote dans le paysage cinématographique américain. L’approche de Scott est unique, notamment dans le traitement de ses personnages qu’il n’hésite pas à maltraiter et à exposer tous les vices qu’ils possèdent. L’affrontement entre Pharaon et Moïse est un bel exemple du cas unique qu’est Scott aujourd’hui. Merveilleusement interprétés par Joel Edgerton et Christian Bale, leur face-à-face est loin des oppositions classiques que l’on retrouve à Hollywood. Ridley Scott exploite la question de la religion judaïque à merveille pour que ses deux personnages puissent se faire face. Moïse l’embrasse mais questionne l’utilité des agissements de Yahweh, Pharaon lui, et se retrouve impuissant devant les évènements détruisant son royaume. Malgré les élans de colère du roi d’Egypte, le manichéisme n’a pas sa place dans un récit où seul compte le positionnement de chacun par rapport à la foi.

On peut trouver plusieurs réponses quant à la mauvaise réception d’Exodus lors de sa sortie. Certes, il possède des défauts inhérents à son récit, le rendant moins percutant que Les Dix Commandements, mais on peut aussi penser que la démarche unique de Scott, aussi intéressante soit-elle, y est pour quelque chose. De nos jours, rares sont les réalisateurs insufflant un souffle épique similaire aux films de l’âge d’or et rares sont les réalisateurs mettant en scène leurs protagonistes avec tant de froideur. Exodus comme la majeure partie des œuvres réalisées par Ridley Scott au XXIe siècle, transpirent le nihilisme dont il a toujours été en proie, donnant des films fascinants selon moi, mais laissant bon nombre de gens sur le carreau. Exodus – Gods and Kings est, en tout cas, une fresque épique d’une grande beauté visuelle, aux scènes de batailles grandioses et qui questionnent avec brio la relation de nos personnages au judaïsme. Beaucoup de films de Ridley Scott mal réceptionnés à leur sortie méritent une seconde chance et celui-ci en fait partie, tant il est unique au sein de la production hollywoodienne et tant les bons péplums se font rares depuis quelques années.

Exodus – Gods and Kings de Ridley Scott, 2h22, avec Christian Bale, Joel Edgerton, John Turturro – Au cinéma le 24 décembre 2014

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