[INTERVIEW] Melvin Zed – Mad Max, ultraviolence & passion

Quand on est passionné de cinéma, on satisfait notre amour pour le septième art de diverses manières. Bien sûr, on regarde des films, mais on s’adonne également à la lecture de critiques, à l’écoute d’analyses et à l’exploration de toutes sortes d’œuvres liées au cinéma. Sur “C’est quoi le cinéma”, nous vous ferons justement découvrir des créations qui nourrissent notre passion partagée pour cet art.

1977, Australie. Se déroule l’un des tournages les plus étranges de tous les temps, donnant naissance à un film culte. En quelques semaines à peine, George Miller et son équipe créent Mad Max, un long-métrage qui marquera et influencera toute une génération. Cette œuvre a bouleversé la vision occidentale de l’Australie tout en réinventant les codes d’un genre à part entière : la course-poursuite. Il y a tellement de choses à dire sur ce film, regorgeant d’anecdotes et de thématiques captivantes. Et cela tombe bien, car un certain Melvin Zed a écrit un pavé colossal sur le tout premier volet de Mad Max. Sous-titré “Ultraviolence dans le cinéma, partie 1“, cet ouvrage de 432 pages se veut être une véritable encyclopédie du premier film de la saga. Son auteur, Melvin Zed, est incontestablement le plus grand fan de la franchise. Depuis une dizaine d’années, il consacre une partie de sa vie à l’univers cinématographique de Miller. Que ce soit en collectant tous les articles de journaux, les photographies et les témoignages des membres de l’équipe de tournage, ou en parcourant les continents pour reconstituer la genèse de Mad Max. Il est même allé jusqu’à entreprendre des fouilles archéologiques dans le désert afin de trouver des artefacts datant du tournage.

Pendant toute une décennie, il a pris des notes, recoupé des informations et a rendu son travail de plus en plus cohérent. Après avoir réalisé un documentaire sur un musée dédié à Mad Max, intitulé “Archeologist of the Wasteland“, il se lance enfin dans la rédaction de ce magnifique livre. Cet ouvrage est à la fois un superbe cale-porte, mais surtout le livre ultime sur le premier film. Chaque détail y est minutieusement décrit, des costumes aux véhicules, en passant par tous les aspects de l’intrigue. Un travail colossal a été accompli. Plongez avec nous au cœur de la réalisation de cette belle œuvre. Nous remercions d’ailleurs Melvin Zed d’avoir répondu à nos questions et d’avoir écrit un livre d’une telle précision.

Enzo Durand : Bonjour Melvin, merci de m’accorder cet entretien. Avant d’évoquer le cœur du sujet, peux-tu présenter ton parcours ?

Melvin Zed : Alors en parallèle de l’écriture de ce livre, je suis principalement illustrateur et graphiste. Je m’occupe par exemple des éditions blu-ray d’Ecstasy of Films et des affiches du Bloody Week-end. En ce moment je réalise la mise en page de la résurrection de Starfix.

Enzo Durand : D’où t’es venue cette passion pour le Wasteland ?

Melvin Zed : J’ai vu Mad Max alors que j’étais jeune adolescent, et j’ai eu la chance de pouvoir découvrir les films lors d’une nuit consacrée à la saga, avec la trilogie projetée de minuit à 6h du mat. Et bien évidemment ça m’a rudement impressionné et marqué. Voir ces films sur grand écran, dans l’ordre et d’une seule volée, mais quel pied ! J’avais 13 piges, c’était la fin des années 80 et l’aura que dégageaient ces films à l’époque était déjà culte. Que ce soit cette ambiance « ultraviolence » ou la censure qu’il y a eu à la sortie, les films étaient déjà mythiques. A l’instar d’ailleurs d’autres films difficilement visibles comme Orange Mécanique, les Guerriers de la nuit, Massacre à la Tronçonneuse et Cannibal Holocaust. Il y a une petite quinzaine d’années j’ai écrit un texte sur le premier Mad Max et je me suis dis que ça pourrait être intéressant, ou en tout cas marrant pour moi, de poursuivre l’expérience en bricolant un fanzine sur le sujet. C’est, et c’était, loin d’être mes films préférés mais je trouvais malin de me pencher sur le cinéma australien, un cinéma généralement délaissé. C’est une industrie qui peine à exister face aux grosses locomotives culturelles que sont le Nouvel Hollywood, le ciné fantastique pop US des 80’s ou le ciné trash italien. Tous ces domaines avaient (déjà) été moult fois analysés. Comme tu t’en doutes, j’avais largement qui m’attendait, et en 2013 je suis parti en Australie pour la première fois. Je pensais que j’allais conclure mon projet. Mais j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose de nettement plus intéressant derrière tout cela. Je ne voyais que la partie émergée de l’iceberg. L’écriture du livre est alors devenue une aventure rocambolesque, qui m’a trimballé dans des endroits incroyables et m’a fait faire des rencontres exceptionnelles.

Enzo Durand : Le sous-titre de ton livre est une référence à un court-métrage de Byron Kennedy et Georges Miller. C’est passionnant car tu remets littéralement sur le devant de la scène le rôle de Kennedy dans la conception de Mad Max.

Melvin Zed : Déjà merci pour ta remarque sur le sous-titre, parce que j’en suis vraiment fier. Il semble un peu cryptique et tout le monde pense que le « partie 1 » est là pour signifier qu’il y aura d’autres films. Alors oui ce court-métrage est le tout premier réalisé par Byron Kennedy et George Miller. C’est dès ce moment qu’ils ont décidés de leurs postes respectifs : Miller le réalisateur et Kennedy le producteur. Le film, Violence in cinema, part 1, date pourtant de 1971 soit huit ans avant Mad Max. Le résultat est un court-métrage d’une quinzaine de minutes absolument fascinantes. La mise en scène et le propos sont maîtrisés de manière étonnante pour un premier film, réalisé par de tout jeunes adultes cherchant à provoquer les autorités culturelles de l’époque. On y voit un universitaire tenir un discours sur la violence au cinéma. Au fur et à mesure qu’il parle, d’autres protagonistes viennent lui faire subir des violences brutales. Le film se termine même dans un festin gore tout à fait surprenant pour le début des seventies. Mon livre se consacre à raconter la jeunesse de ces deux auteurs, tandis que Mad Max représente l’aboutissement de leur discours. Ils avaient une telle volonté de faire des films dans un lieu ou le cinéma n’osait pas s’aventurer.

Enzo Durand : Dans ton livre tu casses le cou aux idées préconçues. Peux-tu m’en dire plus ?

Melvin Zed : Mon obsession, c’est d’écrire cette histoire de manière rigoureuse, et donc d’éviter de colporter les mêmes légendes urbaines que les journalistes semblent se repasser les uns les autres depuis des décennies. Sur la trilogie originale j’ai une masse vraiment conséquente de documents, pratiquement tout ce qui a été publié en français. Et c’est hallucinant de voir que la plupart des articles comportent des inexactitudes, des contre-vérités ou des âneries consternantes. Tu n’en reviendrais pas ! J’ai donc passé beaucoup de temps à interroger un tas de personnes, à recouper mes sources pour avoir la plus correcte des versions. Un travail journalistique en somme.

Enzo Durand : Cette idée que le tournage s’est déroulé dans une jolie folie serait donc fausse ?

Melvin Zed : Pour le coup, elle est vraie ! Le tournage s’est effectivement déroulé dans une ambiance délirante de « cinéma guérilla ». Qu’il s’agisse d’une partie de l’équipe fomentant une mutinerie en plein désert, ou même les risques pris par le chef cascadeur s’en allant fracasser des Ford Falcon à travers des caravanes. Avec une jambe dans le plâtre ! Ce qui est fascinant avec ce premier film, c’est que l’histoire du tournage est parfois plus violente et spectaculaire que le film lui-même.

Enzo Durand : Quand on souhaite ce niveau de précision, on se retrouve forcément face à certaines difficultés.

Melvin Zed : Bien sûr ! Il faut parfois batailler pour obtenir une interview. Parfois c’est des jours d’enquêtes dans des petits bleds perdus dans le désert en allant de comptoir en comptoir pour demander où serait passer tel ou tel vieux lascar. Ou encore, parfois on est fatigué, on bosse dans des conditions extrêmes et on foire la fameuse interview. J’ai passé des dizaines et des dizaines d’heures à la recherche d’informations que je ne trouverai jamais. Mais je pense que malgré tout cela, la plus grande difficulté à été de garder la tête en dehors de l’eau. De ne pas se noyer dans les dizaines de milliers de documents, la centaine d’interviews et les milliers de photos que j’ai amassé. Réussir à tout lier et à synthétiser autant d’informations, de manière claire, c’est ça le plus compliqué.

Enzo Durand : Et est-ce qu’on pourrait avoir des nouvelles de la suite de ce livre ?

Melvin Zed : Je bosse sur Mad Max 2 en ce moment, et même si j’ai pratiquement fini le boulot, pour achever le texte. Pourtant j’ai encore un dossier avec des milliers de fichiers à passer en revue ! Et je ne peux pas me permettre d’en louper certains par fainéantise parce que parfois les informations les plus intéressantes sont dissimulées dans des articles inattendus. La semaine dernière, au détour d’un article anodin datant de 1981, une information capitale s’est glissée, changeant toute ma perception de la préproduction de ce second volet ! Mais pour la connaitre il faudra attendre encore un peu.

Pour vous procurer le livre, veuillez cliquer sur le lien suivant : MAD MAX – ULTRAVIOLENCE DANS LE CINÉMA, PARTIE 1.

Au Éditions Rififi.

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