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[CRITIQUE] Venom : Let There Be Carnage – L’étron, bouffeur de cervelles

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Par Louan Nivesse

Une plaisanterie dénuée de toute pertinence n’a jamais été aussi oppressivement morne. À la décharge du réalisateur Andy Serkis, succédant à Ruben Fleischer, Venom : Let There Be Carnage reprend ce qui a apparemment plu au “grand public” dans le premier opus, malgré son désastre tonal. Il convient de noter que cette fois-ci, l’expérience est délibérément axée sur le style plutôt que sur le chaos confus et déconcertant qui a induit en erreur le public, le faisant croire qu’il était censé être absurde. Cependant, il s’avère toujours être un échec d’une ampleur colossale.

Prenant la suite du premier volet, Eddie Brock (incarné par Tom Hardy) est désormais un journaliste renommé sollicité par le tueur en série Cletus Kasady (introduit à la fin de Venom et joué par Woody Harrelson). Après une sombre histoire impliquant le meurtre de ses parents et grands-parents, présentée comme une farce, Cletus se retrouve dans un orphelinat où il trouve l’amour en la personne de Frances Barrison, alias Shriek (Naomie Harris, totalement effacée), dont le seul attribut semble être de hurler et de subir des sévices infligés par un agent lors d’un des crimes perpétrés par le duo de psychopathes, lors d’une rencontre entre le détenu et le journaliste. Eddie questionne Cletus sur le sort des individus qu’il a tués au fil des ans, mais ne reçoit que des énigmes en réponse. Cletus ne soupçonne pas l’existence du symbiote invisible de Venom, capable de déchiffrer instantanément les indices pour Eddie, le propulsant du jour au lendemain au rang de journaliste brillant. Tandis que Cletus se prépare à être exécuté, lors d’une confrontation ultime, il décide de mordre la main d’Eddie, goûtant ainsi son sang. Il réalise rapidement qu’Eddie ne possède pas de sang humain normal. Il découvre également qu’il héberge désormais son propre symbiote (le fameux Carnage), déclenchant ainsi une sortie destructrice.

C’est le schéma narratif de Venom : Let There Be Carnage, qui se métamorphose rapidement en une nuit de déchaînement, une nuit de… carnage. Cletus découvre que Shriek est toujours en vie et la libère, ravivant ainsi leur amour et reprenant là où ils s’étaient arrêtés, semant le chaos dans toute la ville. Bien sûr, rien de tout cela n’est exécuté avec une quelconque élégance ou caractérisation, mais plutôt comme si Andy Serkis (utilisant un scénario de Kelly Marcel, travaillant les grandes lignes de l’histoire avec Tom Hardy lui-même) avait demandé à Woody Harrelson de jouer le rôle de Mickey Knox de Tueurs nés, mais avec des superpouvoirs. Tout cela ne semble être qu’un prétexte pour expérimenter les capacités du symbiote CGI d’une manière oubliable qui ne sert ni l’intrigue ni les personnages, et certainement pas le divertissement. Il y a une dynamique intéressante dans le fait que les cris sont suffisamment puissants pour affaiblir le symbiote (le feu et les sons forts étant leurs seuls points faibles), mais cela ne contribue guère à l’intrigue.

Woody Harrelson et Naomie Harris sont relégués au second plan, comptant sur leur charisme perturbé pour rendre leurs performances un tant soit peu captivantes, ce qu’ils réussissent brièvement pendant une minute ou deux. Pendant ce temps, pendant au moins la moitié des 90 minutes que dure le film, Venom ne cesse de se plaindre et de clamer qu’il s’ennuie et qu’il veut se nourrir de cerveaux humains (l’ennui des autres sources de subsistance comme les poulets et le chocolat l’a rattrapé). Entre les deux, il y a beaucoup de gags visuels médiocres, comme Venom préparant le petit-déjeuner ou se moquant d’Eddie en public au point de le faire passer pour un fou qui se parle à lui-même. Les querelles finissent par atteindre leur paroxysme, conduisant à la séparation de l’unité collective, ignorant alors que Carnage se prépare à s’abattre.

Un film semi-compétent consacrerait son deuxième acte à explorer la manière dont ces personnages se débrouillent sans l’autre (même si je n’ai aucune envie de voir cela étant donné la qualité actuelle du film). Dans ce tumulte précipité et fragmenté, Venom se régale de quelques cerveaux dans un club tandis qu’Eddie découvre ce qui se trame au JT. Il contacte alors son ancienne partenaire Anne (une Michelle Williams de retour, qui a sûrement mieux à faire que de passer ne serait-ce que cinq minutes ici), afin qu’elle entre en contact avec Venom pendant qu’Eddie est appréhendé pour être systématiquement à proximité de toute destruction qui se produit. Et lorsqu’elle ne fait pas cela, elle est généralement critiquée maladroitement pour avoir rompu avec Eddie et être fiancée à un médecin joué par Reid Scott. Quoi qu’il en soit, le conflit est résolu en quelques minutes (la structure en trois actes est ici inexistante et carrément embarrassante), débouchant sur une bataille truffée d’effets spéciaux dans une cathédrale. Dans un geste stupéfiant, Cletus exprime également sa frustration face au fait que personne n’a jamais pris la peine de lui demander pourquoi il a assassiné sa famille ou de s’informer sur les sévices qu’il a subis. Venom : Let There Be Carnage adopte l’approche la plus simple pour tenter de donner à ses personnages une once de profondeur, mais ce faisant, il apparaît légèrement offensant, même enveloppé dans toute sa démesure absurde.

Ce n’est jamais drôle, la bagarre finale est hideuse, et il n’y a presque pas d’histoire à proprement parler. C’est l’équivalent cinématographique d’examiner le contenu d’un vomi de soirée à travers un gros télescope. Venom : Let There Be Carnage est un film morne, qui n’aspire jamais à être intéressant, étant profondément insipide. Revoir Le Fils du Mask serait une expérience plus plaisante.

Venom : Let There Be Carnage d’Andy Serkis, 1h38, avec Tom Hardy, Woody Harrelson, Michelle Williams – Au cinéma le 20 octobre 2021

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