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[CRITIQUE] Un coup de dés d’Yvan Attal – assurance sur l’amorphe

Mais quelle folie nous pousse à parler d’un film d’Yvan Attal en 2024 ? Non pas que le bonhomme soit mauvais acteur mais pour sûr un cinéaste moyen. En témoigne le souvenir de Le Brio, fable réactionnaire pour prime time sur TF1 où un boomer d’Assas apprenait la vie à une étudiante de Créteil. Vision nauséabonde paternaliste et symbole d’un des pires concepts du cinéma français, à savoir le bourge qui dresse le pauvre. Fanny Ardant (Ma France à moi) et Michèle Laroque (Ténor) en sont depuis coutumières, brossant dans le sens du poil le soixante-huitard sénile.

On s’éloigne nous direz-vous mais c’est pour souligner à quel point la plupart des critiques et le public ont lâché l’affaire sur le cinéma d’Attal depuis belle lurette. Il n’a pas chômé pourtant depuis 2017 : Trois long-métrages écrits, tournés, montés et sortis en salles. Qui les a vus ? Qui s’en souvient ? Qui les a aimé ?

Après l’échec idéologique de Le Brio, on ne donnait pas cher du bougre. Et la récente affaire Gérard Depardieu a confirmé un peu plus son naufrage intellectuel. Fin décembre, alors que la polémique autour de l’émission Complément d’enquête battait son plein, Attal cosignait la triste tribune contre « le lynchage » du « dernier monstre sacré du cinéma. » Sur BFM TV, il allait même jusqu’à minimiser les propos dégradants envers une enfant : « Cette blague qu’il ne fait pas à cette jeune fille, il ne l’agresse pas, elle n’entend rien. Il fait une blague potache à un copain, ça le fait rire. Et bien, ça le fait rire. Personnellement, je ne suis pas choqué pas ça. »

Copyright Jérôme Prebois

S’il affirme aujourd’hui se « mordre les doigts » de cette prise de position, on note que son regain de conscience intervient juste à temps pour la promo d’Un coup de dés. Commode. Mais le mal est fait. Ce cafouillage médiatique a profondément marqué l’opinion publique. Embarrassé, l’acteur y perdit toute crédibilité. Au début pro Gérard, puis distant sur le texte (à croire qu’il ne l’avait pas lu) avant de rétropédaler carrément un mois plus tard. Cette misérable tribune aura eu au moins ce mérite : servir de révélateur aux indignés de salon. S’il est regrettable qu’un retraité tel que Bertrand Blier y ait participé, voir Yvan Attal revenir par la petite porte du 7ème art s’en révèle cocasse.

Un coup de dés se déroule à Nice où deux amis, Mathieu (Yvan Attal) et Vincent (Guillaume Canet), prospèrent dans l’immobilier. La force de leur lien remonte à une nuit où Vincent a sauvé la famille de Mathieu d’un cambriolage. L’un a donc une dette immense envers l’autre. Tout va basculer lorsque Mathieu tombe amoureux d’Elsa, la maitresse de Vincent. De là commence un engrenage précipitant un Monsieur Tout-le-monde dans le crime.

VERDICT
Si le film noir était un bingo, le scénario en cocherait toutes les cases : voix-off à la Billy Wilder du pauvre, récit en flashbacks, femme fatale tragique, homme lambda pris dans les mécanismes d’un destin inextricable etc. Sauf que leur assemblage ne restitue à aucun moment la magie du genre. Au point d’en devenir creux et programmatique. Et cela pour une raison précise : la désincarnation d’un cinéma populaire daté.

Copyright Jérôme Prebois

Symptomatique, sa réalisation à l’étalonnage terne digne d’une pub EDF aux flares putassiers suinte le renoncement artistique. Et ce n’est pas que notre rédaction soit contre une redite traditionnelle des codes du genre. Prenez Lawrence Kasdan avec La fièvre au corps ou John Dahl avec Last Seduction et Red Rock West qui ont très bien subverti les attentes d’un neo-noir balisé. Même si certaines de leurs ambiances ont vieilli, ces œuvres impliquaient leur époque par leurs choix de cadrages, de photographie et de casting. Ici le duel de coqs Attal / Canet est une erreur, une fausse piste. Les seconds rôles féminins en ressortent éconduites, la palme allant à Alma Jodorowsky, transparente en femme fatale. Un comble !

Tout ce que nous demandons, c’est un peu de personnalité, un point de vue que diable, une envie ! Oserions-nous ? Un sursaut qui ne nous fait pas bailler ou regarder notre montre passée le premier acte. Sinon pourquoi mobiliser des techniciens des semaines sur un plateau ? Pourquoi chercher les financements si ce n’est que pour régurgiter du vide ? Même le narrateur désabusé sonne faux, fatigué par sa propre logorrhée. Ne reste qu’un plan chorégraphié avec précision autour d’une villa niçoise dans la première demie-heure, une durée courte (1h25) même si le double se ressent et une piquante ironie métatextuelle à voir le personnage de Maïwenn agresser quelqu’un dans un lieu public (suivez mon regard). Alea jacta bête !

Un coup de dés d’Yvan Attal, 1h25, avec Yvan Attal, Michaël Erpelding, Maïwenn – Au cinéma le 24 janvier 2024