[CRITIQUE] Les Pistolets en plastique – Perdu comme Xavier

Découvrir la troupe des Chiens de Navarre, c’est s’immerger dans un théâtre politisé, empreint d’un humour noir et tranchant. Lorsque Oranges sanguines est sorti en salles, il a suscité un véritable engouement avec son humour acerbe et provocateur, d’une acidité si mordante qu’elle en devenait hilarante. Ainsi, lorsque l’on apprend que leur nouveau projet est un film mettant en scène plusieurs policiers, gendarmes et deux détectives amateurs de Facebook, partis à la recherche de Xavier Dupont de Ligonnès (renommé Paul Bernardin), le rire semble déjà assuré. Quelle idée lumineuse !

Sous la direction de Jean-Christophe Meurisse, Les Pistolets en plastique débute en trombe, nous présentant une galerie de personnages hauts en couleur, tous incarnés par des acteurs au style comique distinct. Les trente premières minutes nous plongent dans un univers familier, une série de scènes où des légistes (Fred Tousch et Jonathan Cohen) débattent de la légitimité des faits divers et des séries Netflix sur les tueurs en série, tandis que deux mères de famille (Delphine Baril et Charlotte Laemmel), célèbres sur Facebook pour leurs enquêtes, se moquent de tout et de rien. Nous suivons également des policiers danois convaincus d’avoir retrouvé Paul Bernardin, pour découvrir leur erreur. Ces situations rappellent les moments savoureux d’Oranges sanguines. La comédie est effrénée, sadique et inénarrable. Bien que la caméra reste souvent fixe, cette stabilité accentue le rythme des répliques et des punchlines, et permet aux acteurs d’improviser librement. Cohen, par exemple, reste fidèle à son style sans chercher à aller plus loin, et cela fonctionne parfaitement.

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Le summum de la comédie est atteint lorsque nos deux détectives amateurs rendent visite à la voisine de Paul Bernardin. Durant tout le trajet, cette voisine, avec un débit de parole vertigineux, débite un flot incessant de bêtises : elle justifie les actes de son voisin, légitime Hitler, profère des propos homophobes, se moque des handicapés et insulte les défunts. Dans la réalité, ce serait insupportable, mais ici, c’est tellement mordant qu’on en redemande. On souhaiterait la suivre tout le film dans ses aventures sans tabous. Malheureusement, à partir de ce moment, le film commence à perdre de sa superbe. Jean-Christophe Meurisse se repose sur ses lauriers, enchaînant des scènes de qualité inégale. Il tente également d’introduire du drame, comme avec cette séquence en plan-séquence montrant l’assassinat de la famille Bernardin, accompagnée d’une musique angoissante qui martèle les oreilles. Bien que ce soit intéressant, il devient difficile de rire après cela.

Il est ardu de décrire à quel point le film devient ridicule et criard ; on soupçonne le cinéaste de penser qu’il fait une déclaration sur les absurdités du destin (ou pire, qu’il crée quelque chose de kafkaïen), mais il devient si odieux, si stupide, qu’il en devient activement abject. Un virage tardif vers une ultraviolence choquante est l’ultime abaissement, un acte cruel d’un réalisateur à court d’idées pour conclure le film. Les Pistolets en plastique imaginent ensuite Dupont de Ligonnès heureux en Argentine avec une nouvelle femme. Dès l’instant où l’on adopte son point de vue, il devient difficile de dissocier les horreurs qu’il a commises de l’humour noir du film. Même la tentative de recréer une scène de séquestration, rappelant la séquence de la testicule dans le micro-ondes du précédent long-métrage, échoue à provoquer le même rire. L’ambiance comico-dramatique et notre attachement aux personnages, notamment à celui de Gaëtan Peau, compliquent la réception de ces moments. Au final, il aurait mieux valu rester en Apnée ou savourer de bonnes Oranges Sanguines, ou simplement aller voir La vie est une fête au théâtre : en faisant tout cela, on sait au moins où l’on va (et Meurisse aussi).

Les Pistolets en plastique de Jean-Christophe Meurisse, 1h36, avec Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Laurent Stocker – Au cinéma le 26 juin 2024

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