Le 13 octobre 1972, au cœur de la cordillère des Andes, sont éparpillés sur plusieurs kilomètres, les cadavres du crash du vol Fuerza Aerea Uruguaya 571. Les survivants de ce terrible enfer se retrouvent livrer à eux-mêmes, où l’horizon qui les entoure ne se composent que de sommets blancs.
Lors de cette semaine de festival, nous avons pu assister en avant-première à la projection du tout nouveau long métrage de Juan Antonio Bayona, avec sa présence. Réalisateur du célèbre film sur le tsunami de 2004 (The Impossible, 2012), Bayona revient cette fois-ci avec une adaptation du miracle des Andes. Inspiré du livre de Pablo Vierci (“La sociedad de la nieve”, 2009), le réalisateur espagnol cherche à travers son film à “tisser des ponts entre les vivants et les morts”. Une manière de rendre hommage à la fois aux passagers décédés durant et après le crash, mais aussi au courage aussi bien mental que physique des survivants.
Alors que la jeune équipe de rugby Old Christians de Montevideo s’apprête à rejoindre le Chili afin de disputer un match, l’aller-retour prévu ne se composera finalement que d’un aller. L’avion contient à bord 45 passagers, l’équipe mais également leurs proches. Dans des conditions météorologiques loin d’être idéales, le pilote, persuadé d’être au-dessus de la ville de Curicó, prévient la tour de contrôle qu’il s’apprête à amorcer sa descente. Seulement, au sortir de l’épais nuage dans lequel il s’était enfoncé, l’avion est bien trop bas pour se redresser, le calcul était faux. L’avion se heurte plusieurs fois aux reliefs montagneux qui lui arrachent dans un premier temps l’aile droite, puis l’arrière, entraînant avec, certains passagers. L’avant de l’avion glisse et s’enfonce dans la neige sur plusieurs centaines de mètres, menant avec lui dans ce calvaire, les survivants du crash.
Lorsque les rescapés ont fait part de l’enfer dont ils ont été victimes, Bayona a eu le sentiment d’être avec eux dans ce douloureux périple. Un sentiment qu’il cherche ainsi à faire ressentir à ses spectateurs. Le choix du casting se compose essentiellement d’acteurs méconnus du grand public, privilégiant la ressemblance physique aux réelles victimes. Le film débute avec le quotidien de l’équipe de rugby, de jeunes hommes qui parlent de sujets des plus banals, heureux de passer du temps ensemble et excités à l’idée d’aller au Chili pour diverses raisons. L’impression pour nous d’être proche avec l’humain que nous observons, de précieux murmures qui font écho à la jeunesse intemporelle.
QUAND LA SURVIE GAGNE LA MORALE
Dès la scène du crash, le travail sur le son nous immerge pleinement dans cet événement des plus tragiques et violents. Au-delà du bourdonnement incessant de l’avion, certains plans s’attardent sur la violence des différents impacts tels que les os qui craquent, les membres qui se tordent ou encore les corps éjectés. Une scène à la fois réaliste et violente qui nous détache du réel pour nous plonger dans ce drame. On retrouve également l’adoption du grand angle dans les scènes de folie des personnages, amplifiant l’aliénation dont ils sont victimes et nous immergeant au plus profond de leur mal-être.
Avant d’être finalement retrouvés miraculeusement deux mois après l’accident et surtout plusieurs semaines après que les recherches aient été arrêtées, le quotidien des survivants nous est présenté de façon chronologique. Nous suivons les décès qui s’enchaînent mais également l’avalanche de complications auxquelles ils sont confrontés. La principale d’entre elles et surtout l’une des plus répandues est évidemment la réponse à la famine. Perdus dans ce désert blanc, les provisions culinaires ne se limitent qu’à ce qu’ils trouvent dans les carcasses de l’avion. L’idée de se nourrir des cadavres de leurs proches, conservés par le froid, arpente alors les esprits, laissant place à une discordance entre les passagers. Le film place de manière centrale les questions éthiques et religieuses. Un long débat fleurit parmi nos protagonistes tandis que la misère nutritionnelle ne cesse de gagner leur organisme, raisonnant dans ces corps où la minceur s’accroît de jour en jour. Au-delà de l’acte d’anthropophagie, la morale et la religion soustrait toute forme de violence, les scènes sont censurées pour nous au même titre qu’elles le sont pour les personnages. Les actions se font à l’écart de ceux qui sont initialement en désaccord avec l’idée et les morceaux consommés ne s’apparentent qu’à de simples morceaux de viande. Comme ces derniers l’indiquent, il ne s’agit ici que de viande dans le but de survivre.
Le cercle des neiges nous mène au plus près de ce calvaire. À travers une mise en scène et un jeu d’acteur particulièrement efficaces, le long métrage nous donne la sensation de ne plus être réellement spectateur, tant il nous immerge dans cet enfer. Le film parvient à lier ces fragments de témoignages qui résultent du drame. Durant ces deux heures, nous assistons à ce que les survivants ont vécu pendant deux mois, une montagne d’émotions faisant honneur au courage des miraculés et à la mémoire des morts.
Le Cercle des neiges de Juan Antonio Bayona, 2h22, avec Enzo Vogrincic, Agustín Pardella, Matías Recalt – Prochainement sur Netflix
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Kimly Del Rosario8/10 Magnifique
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Vincent Pelisse7/10 Bien
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JACK8/10 MagnifiqueDans Le Cercle des Neiges, survival enneigé et immersif, la caméra de Juan Antonio Bayona reporte avec autant d'insistance la folie croissante des personnages et leur profonde impuissance face à la montagne. Un drame qui touche au sublime.