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[CRITIQUE] L’Autre Laurens – Hommage à Chinatown

Le titre du dernier film noir du réalisateur belge Claude Schmitz, L’Autre Laurens, semble être un hommage évident à Two Jakes, la suite quelque peu oubliée de Jack Nicholson du classique de Roman Polanski, Chinatown. Oscillant entre l’univers du film noir existentiel des années 1970, tel que Le Privé de Robert Altman et La Fugue d’Arthur Penn, et le cinéma belge distinctif, ce long-métrage est la troisième réalisation de Schmitz. Celui-ci nous emmène dans une mystérieuse enquête familiale, teintée de comédie sombre et d’étrangeté à la belge, avec juste assez de trame pour soutenir le spectateur pendant deux heures étirées.

L’Autre Laurens s’inscrit incontestablement dans la tradition du film noir, où les personnages sont souvent plongés dans des intrigues complexes et moralement troubles. Le personnage principal, Gabriel Laurens, un détective privé désabusé, évoque le protagoniste emblématique du genre : Jake Gittes de Chinatown. Cependant, Schmitz ne se contente pas de suivre les conventions du film noir, mais insuffle une touche d’existentialisme à l’intrigue. Gabriel mène une vie monotone, en proie à la confusion de sa mère mourante qui le confond avec son frère jumeau décédé, François. Cette confusion des identités est au cœur du film, rappelant le concept de la recherche de sens dans un monde absurde. L’un des aspects les plus réussis réside dans la façon dont il explore le thème de la dualité entre les deux frères jumeaux. Gabriel se transforme progressivement en son frère décédé, portant ses vêtements, conduisant sa voiture de sport et assumant même son identité. Cette transformation met en lumière la nature trouble de l’identité, un thème cher au film noir. Le spectateur se retrouve également désorienté, ne sachant plus clairement qui est qui, et cette confusion devient une réflexion fascinante sur la nature de l’identité humaine.

© Wrong Men/Cheval deux trois

Le film est empreint de l’humour belge, caractérisé par sa sécheresse et son absurdité. Cet humour, bien que spécifique à ce pays, ajoute une couche de distanciation ironique au récit. Cependant, la lenteur de la révélation de l’intrigue principale peut laisser le spectateur impatient. Les personnages secondaires, notamment les maladroits enquêteurs de police, apportent une touche comique bienvenue, mais parfois excessive. L’Autre Laurens est peuplé de personnages fascinants, allant de la femme avide américaine à l’ex-marine, en passant par un gang de motards en Harley Davidson. Bien que certains de ces personnages soient balourds dans leur exécution, d’autres apportent une profondeur intrigante à l’histoire. La nièce de Gabriel, Jade, jouée par Louise Leroy, se démarque par sa performance et ajoute de l’émotion au récit. Les personnages secondaires, bien que parfois excentriques, contribuent à créer un univers riche et étrange. La réalisation visuelle est indéniablement réussie, avec des images qui rappellent le travail de Wim Wenders ou de Lukas Dhont. La bande originale électronique de Thomas Turine crée une atmosphère envoûtante, rappelant le travail de Dev Hynes sur Good Time ou de Daniel Lopatin sur Uncut Gems. L’esthétique du film, y compris le design de production, contribue à créer une atmosphère mystérieuse et dérangeante.

On ne peut que reprocher à L’Autre Laurens, sa longueur. Avec près de deux heures, le film s’étire beaucoup, ce qui nuit à son rythme et à sa capacité à maintenir l’intérêt du spectateur. Une version plus concise, d’une petite heure et demi, aurait pu renforcer l’efficacité du récit et éliminer certains moments qui ne sont que très peu convaincants.

L’Autre Laurens de Claude Schmitz, 1h57, avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran – Au cinéma le 4 octobre 2023.

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