[CRITIQUE] La vie pour de vrai – Club Med boulevard

Dans La vie pour de vrai2023, Dany Boon s’intéresse au destin de Tridan Lagache qui a passé toute sa vie dans un Club Med mexicain. Gentils organisateurs, ses parents s’y sont rencontrés et ont donné au fruit de leur amour ce prénom improbable, référence explicite au logo de l’entreprise. Pourquoi quitter un paradis sous les tropiques qui vous garantit des revenus ? Le couple ne quitte pas le village de vacances, ni Tridan. Mais c’est pour lui une source de traumatisme : chaque semaine, ses nouveaux amis partent en bus vers l’aéroport et leur vraie vie. Après être devenu un animateur à son tour, Tridan finit par changer radicalement d’existence à l’âge de 50 ans. Il démissionne pour retrouver Violette, son grand amour rencontré à 8 ans, avec qui il a passé le plus beau jour de sa vie – et le pire puisque son père est mort ce jour-là.

© Pathé

Il y a fort à parier que cette quête soudaine intéresse certains psys. Dany Boon emprunte une autre voie, on s’en doute. Il profite comiquement de l’ignorance totale de Tridan des codes du monde tel qu’il est. Invariablement vêtu d’une chemise à fleurs, l’ex-animateur salue chaleureusement toutes les personnes qui lui sont familières. Il n’a pas la moindre idée des prix et oublie toujours de payer ses consommations dans les bars. Souvenir d’un calvaire hebdomadaire, il panique en voyant partir un bus… En interprétant son personnage, Dany Boon affiche l’innocence souriante incarnée par Bourvil. Lorsqu’il arrive à Paris, où son père lui a laissé un appartement, Tridan le découvre déjà occupé par Louis, un demi-frère dont il ignorait l’existence. Ce dernier n’a qu’une obsession : le renvoyer au Mexique. Kad Merad endosse allègrement la panoplie du méchant, (peu) soutenu pour arnaquer Tridan par Roxane, interprétée par Charlotte Gainsbourg. L’actrice apporte de la fraîcheur au film, alors que l’intrigue menace de s’essouffler. Séduite par Tridan, Roxane se libère du cynisme de Louis pour se recentrer sur l’essentiel. A condition d’y voir une fable, cette comédie lumineuse peut  séduire par sa tendresse et sa sincérité.

Néanmoins, et tristement, Dany Boon contrairement à ses premières comédies en tant que réalisateur ne sait plus ou diriger ses intrigues. Comme pour l’infect 8 Rue de l’Humanité2021, « la merveille ch’ti » s’écrase dans le trop-plein de gags et délaisse ce qui peut rendre le film doux. Ici, l’attrait principal est de retrouver Violette et espérer revivre l’amour d’antan : cela n’arrive qu’au bout de cinquante minutes. Avant cela, nous nous retrouvons face à des situations cocasses où Dany Boomer se confronte à la population parisienne, dans des quiproquos bateaux et dans un placement de produit improbable qui émoustillera le vieux spectateur ; mangez cinq Fruitz, ça aide au transit. C’est du temps perdu, c’est parfois caustique, d’autre fois assez drôle, souvent désuet. Le véritable problème ici, c’est qu’on sent un certain cœur en dehors de ces sketchs. Tout ce qui concerne l’arrivée dans la « vraie vie » de Tridan, la relation ambivalente avec son (demi-)frère ou encore la romance qui s’installe avec Violette/Roxane ; sur le papier c’est vraiment très agréable – ça ferait surtout une bonne pièce de théâtre, accessible et drôle. Malheureusement, la caractérisation que Boon en fait est gênante, voire maladroite. Entre le fils complètement teubé de Kad Merad et l’envie (incontrôlable) de forniquer de Charlotte Gainsbourg, nous sommes face à des archétypes incomplet qui détériore l’attachement qu’on peut avoir pour cette histoire de boulevard probablement sympathique.

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Contrairement à des Bienvenue chez les Ch’tis2008 ou autres Rien à déclarer2010, le cinéma de Dany Boon vieillit. Ces petites comédies, qui tentent de lier le public avec ces petits problèmes du quotidien, une certaine réalité – souvent fantasmées par Dany « bourgeois » Boon – de notre société, semblent ne plus avoir sa place parmi nos salles. Le public cible devient de plus en plus âgé et les jeunes spectateurs ont trouvé de nouvelles idoles en la personne de Jonathan Cohen, Pierre Niney et autres François Civil. D’un point de vue plus personnel, j’ai toujours préféré l’écriture plus excentrique et cartoonesque de Dany Boon, que l’on peut voir dans un Supercondriaque2014 ou alors dans son meilleur sketch où il chante « Laisse-moi t’aimer » suspendu.

La vie pour de vrai2023, possède quelques moments comme cela. Nonobstant, il semble être complètement extérieur à la tonalité principale du récit et donc obsolète. Le film dure trop longtemps alors qu’il manque beaucoup trop d’éléments, une écriture plus poussée des personnages et des situations. Un autre coup manqué pour celui que le public populaire voyait auparavant comme leur représentant direct.

La vie pour de vrai de Dany Boon, 1h50, avec Dany Boon, Charlotte Gainsbourg, Kad Merad – Au cinéma le 19 avril 2023

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