[CRITIQUE] La Demoiselle et le Dragon – Comptes tenus

L’inquiétude grandit parmi les esprits quant à l’irruption de l’intelligence artificielle dans le domaine de la création, reléguant ainsi l’homme à un rôle superflu dans le processus de conception de films, d’œuvres artistiques, de musique, et autres. Pourtant, il est possible que cette transition soit déjà plus avancée que nous ne l’admettons. Considérons la dernière super-production de Netflix, véritable monstre de Frankenstein cinématographique, composé de fragments disparates de la culture pop, traités à travers un pipeline numérique qui uniformise tout en une sombre masse. Est-il vraiment crucial que La Demoiselle et le Dragon soit dirigé par Juan Carlos Fresnadillo, jadis un réalisateur captivant ? Ou que la photographie soit confiée à Larry Fong, collaborateur sur des projets visuellement distincts de Zack Snyder ? L’étonnante similarité entre cette production et L’École du bien et du mal, ou même un épisode aléatoire de Mercredi, suggère que la main humaine est désormais surclassée par la machine de production de Netflix. On pourrait qualifier cela de “style maison”, pour être charitable, ou peut-être même d’une boucle algorithmique fermée.

Copyright John Wilson/Netflix

Ce découpage fragmenté des contes de fées est périmé depuis au moins une décennie, bien que personne ne semble l’avoir fait remarquer aux plateformes de streaming. L’histoire se déroule dans un royaume en déclin, où la coqueluche de Netflix, Millie Bobby Brown, incarne la princesse Elodie, fille du roi (Ray Winstone) et de sa belle-mère Lady Bayford (Angela Bassett), gouvernant un territoire appauvri, aux ressources en déclin et plongé dans un hiver rigoureux et perpétuel, chassant ses habitants. Le salut semble venir sous la forme de la reine Isabelle (Robin Wright) et de son fils, le prince Henry (Nick Robinson), dont le mariage avec Elodie doit unir les deux royaumes. Bien que sceptique et avide d’exploration, Elodie se plie à cette destinée, surtout face au charme de Henry. Cependant, une cérémonie secrète suit le mariage traditionnel, révélant l’existence d’un dragon qui exige un sacrifice chaque génération pour apaiser son courroux. Ce mythe devient cruelle réalité lorsque Henry trahit Elodie en la livrant au dragon. Dès lors, notre héroïne doit échapper à ce monstre cracheur de feu, naviguant dans un labyrinthe de grottes pour sa survie. Survivra-t-elle à cette épreuve ? Et quel secret le dragon dissimule-t-il dans les profondeurs de son antre ? Les réponses ne surprendront guère.

Cette narration se consomme facilement, mais sans impact. La Demoiselle et le Dragon emprunte à l’ADN de Game of Thrones, ainsi qu’à des films plus anciens comme Blanche-Neige et le Chasseur et Maléfique, modernisant les contes de fées avec des effets spéciaux de pointe et les inscrivant dans l’ère de l’exploitation sans fin de la propriété intellectuelle. Visuellement somptueux mais dénué d’émotion, le film est desservi par la noirceur de ses décors de grottes, peu adaptés à la compression en streaming, et par un accent malhabile altérant le charme de l’actrice principale.

Copyright John Wilson/Netflix

Les plateformes de streaming évoquent souvent le concept de “second écran”, où les spectateurs regardent tout en se distrayant sur leur téléphone ou leur ordinateur portable, accordant une attention partielle au contenu affiché. Cette nouvelle production incarne le paroxysme de cette tendance, distillant chaque élément de son intrigue de manière répétitive et assommante. L’insistance sur la fascination d’Elodie pour les énigmes et les labyrinthes est telle qu’il devient évident qu’elle devra affronter les grottes comme un dédale. Le long-métrage revient sans cesse sur les lieux déjà visités par Elodie dans les grottes, répétant l’information au lieu de la démontrer visuellement, révélant une narration qui raconte tout et montre peu. Ainsi, ce conte d’aventure fantastique perd toute fantaisie et toute audace, pour ne pas dire tout intérêt. Face à l’état actuel de Netflix, nous pourrions nous réjouir que ce soit un long métrage plutôt qu’une interminable série de dix épisodes, mais cela ne changerait guère notre intérêt pour le contenu.

La Demoiselle et le Dragon de Juan Carlos Fresnadillo, 1h47, avec Millie Bobby Brown, Robin Wright, Angela Bassett – Disponible sur Netflix

3/10
Note de l'équipe
  • JACK
    3/10 Simple comme nul
    Une ligne de plus au catalogue Netflix, qui recycle les sempiternelles péripéties pour gamines et se dote d'effets spéciaux convenables.
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