Cannes est réputée pour ouvrir son festival avec des films de qualité médiocre, et le rôle de Nicole Kidman en tant que Grace de Monaco en est un exemple emblématique. Le festival a souvent favorisé les œuvres glamour, telles que “Gatsby le Magnifique”, et a montré une certaine préférence pour les productions françaises. Dans cette lignée, le film de Maïwenn, “Jeanne du Barry”, coche les cases du glamour et de l’origine française, mais il peine à se distinguer.
L’intrigue nous entraîne dans le sillage de l’héroïne éponyme, incarnée par Maïwenn elle-même, depuis son enfance modeste en tant que fille illégitime d’un frère et d’une cuisinière, jusqu’à son ascension à Versailles et à la cour de Louis XV, interprété par Johnny Depp, soulagé sans doute de changer de registre par rapport à ses précédents rôles. Élevée dans l’austérité d’un couvent sur les recommandations bienveillantes de Dumonceaux, l’employeur de sa mère, elle développe une passion pour des ouvrages qui tranchent avec son milieu. Finalement chassée, elle embrasse avec ardeur une vie de débauche, jusqu’à sa rencontre avec le comte Jean du Barry, qui la présente à la cour, où sa destinée de courtisane royale se dessine.
Cependant, dès son arrivée à Versailles, le film s’essouffle. Les filles de Louis XV semblent tout droit sorties d’un conte de fées morbide : cruelles, peu séduisantes et amères. Seuls les détracteurs de Jeanne font montre de racisme et de cruauté lorsqu’elle reçoit en présent un jeune garçon noir du Bengale de la part du roi. Malgré la volonté affichée de la réalisatrice de célébrer le mépris de Jeanne pour les conventions de la cour – en soutenant le regard du roi, en arborant des tenues masculines et excentriques – cela devient vite fastidieux. Il convient néanmoins de saluer la splendeur visuelle du film, avec ses costumes somptueux et ses décors enchanteurs. Johnny Depp, tel un jeune homme en or dont l’éclat pourrait bien être terni, conserve ici tout son charme.
Malgré cela, “Jeanne du Barry” n’apporte guère de nouveauté à un genre déjà saturé de drames en costumes relatant la fin des dynasties monarchiques. En dépit des péripéties de Jeanne, il n’offre pas de perspective inédite sur cette période historique (contrairement, par exemple, à Spencer de Pablo Larraín ou à Corsage de Marie Kreutzer). C’est une déception comparée aux précédents films de Maïwenn, notamment “Polisse” (2011), qui dépeint avec force le quotidien d’une journaliste couvrant une brigade de protection des mineurs, ou “Mon Roi” (2015), pour lequel Emmanuelle Bercot a remporté le prix de la meilleure actrice à Cannes en 2015. Maïwenn, réalisatrice talentueuse et perspicace, semble pourtant un peu égarée dans l’univers de la cour de Louis XV, à l’instar de son héroïne.
Jeanne du Barry de Maïwenn, 1h56, avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe – Au cinéma le 16 mai 2023