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[CRITIQUE] Heat 2 – Anatomie d’un cinéaste

En parallèle de notre rétrospective Michael Mann, je me suis plongé dans son roman Heat 2. Un objet original qui est à la fois prequel et sequel de son chef d’œuvre de 1995, et qu’il a co-écrit avec l’auteure Meg Gardiner, écrivaine de polars et ancienne avocate. Un livre dont l’arrivée coïncide justement avec les rumeurs que ce roman servirait de base à un long-métrage, réalisé par Mann lui-même. Et après la lecture de ces 740 pages on n’a qu’une seule envie : observer le roi du polar réaliser cette formidable traque à travers le temps et l’espace. Retour sur une œuvre pleine de contradictions, et donc captivante.

Heat 2 commence donc en 1995, quelques heures après les événements du premier film, alors que Vincent Hanna (Al Pacino) se lance dans la traque du dernier membre de l’équipe de Neil McCauley (Robert De Niro). En effet Chris Shiherlis (Val Kilmer), ultime survivant du carnage qui a eu lieu dans les rues de Los Angeles, est obligé de fuir loin de sa famille pour sauver sa peau. Un dilemme moral entre ce qu’il doit faire et ce qu’il aimerait faire, une traque entre deux faces d’une même pièce, le tout à travers l’une des mégalopoles les plus étalées au monde : pas de doutes nous sommes bien chez Michael Mann.

Tout l’intérêt de Heat 2 se trouve justement dans la synthèse du cinéma de Mann qu’il pose à l’écrit. Que ce soient des cambriolages rappelant Le Solitaire, un psychopathe dangereux tout droit sorti de Manhunter, une dualité entre le chasseur et le chassé qui cite Collateral et bien sûr tout ce rapport aux mégalopoles qui vient sans cesse nous remémorer Miami Vice ou Heat. Le roman explore de nombreux territoires que tels que Los Angeles, le Mexique ou le Paraguay. Chacun de ces lieux influent sur les personnages, marquant une fois encore l’importance de la société sur l’individu, exploré en longueur dans Révélations. Et tout comme la carrière de Michael Mann, la dernière partie du livre vient explorer plus en détails les possibilités de la technologie dans le monde du crime. Heat 2 est un condensé de ce qui fait le cinéma mannien, et certaines situations font d’ailleurs un peu trop « best-of » anthologique. Malgré tout il y a un élément qui me laisse penser que cette poussée du style de l’auteur dans ce roman se ressent suffisamment subtilement : les sensations. Le cinéma de Michael Mann est un cinéma d’émotions, ce sont elles qui guident les protagonistes au bout de leurs péripéties et parfois même sous la forme d’un « destin » comme dans Le Dernier des Mohicans. Avec Heat 2 l’auteur se permet justement d’approfondir ce qui anime chacun des personnages de son long-métrage, parfois jusqu’à l’écœurement.

“Heat 2” se retrouve avec le même problème que de nombreuses sagas cinématographiques : à force de faire des prequels, des sequels ou des spin-off on se retrouve à de voir révéler chaque mystère ou zone d’ombre de l’histoire. C’est le cas dans le roman qui explore en détails le passé des protagonistes pour épaissir leur personnalité et donner un sens à ce qui les anime. Mais en faisant cela, Mann détruit par la même occasion toutes traces de mystère sur le personnage joué par Robert De Niro, ou encore sur le policier joué par Al Pacino. De plus, son histoire centrée sur un psychopathe dangereux à un autre effet secondaire : elle concentre tout le mal sur un unique personnage, ce qui rend donc Neil McCauley et Vincent Hanna bien moins ambigus. Ils ne deviennent que de « bonnes personnes » qui se retrouvent dans des camps opposés, là ou le film de 1995 était bien plus complexe en bien moins de temps pourtant. Cette amélioration de l’univers de Heat semble au contraire le détériorer involontairement.

Heat 2 mêle donc diverses trames narratives à travers le temps et l’espace sur plusieurs décennies et continents. Pourtant toutes se rejoignent dans un final, au cœur d’un embouteillage, pour donner l’une des plus belles scènes du cinéma de Michael Mann. Je parle de scène car à la lecture de ce roman on imagine sans cesse comment le cinéaste l’aurait mis en scène, et on espère de tout cœur que cette suite sera adaptée à l’écran. Peut être que lors de son passage en scénario certaines séquences seront retranscrites de manières plus mystérieuses, et moins invasives. Réponse dans quelques années sans doute.

Heat 2 écrit par Michael Mann et Meg Gardiner, paru le 15 mars 2023 aux Éditions Harper Collins

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