[CRITIQUE] Des Gens drôles – « J’ai toujours pensé que c’était un projet de vie génial de faire rire »

Des Gens Drôles est le nouveau livre de Playlist Society, une maison d’édition qui publie régulièrement des ouvrages complets et originaux sur le cinéma. Cette fois-ci, un livre écrit à de nombreuses mains puisqu’il s’agit d’un recueil d’entretiens entre six journalistes et sept réalisateurs. Le fil rouge est un thème commun à ces discussions : l’humour. Un choix d’autant plus étonnant que les réalisateurs interviewés sont très différents les uns des autres. On retrouve des écarts majeurs à tous les stades de la production. Les inspirations de Florent Bernard (qui penchent fortement vers Judd Appatow) divergent de celles de Michel Hazanavicius (qui reprend des gags des Nuls). Les moyens (conséquents) de ce réalisateur sont incomparables avec ceux de Sophie Letourneur (qui est proche du cinéma guérilla avec son peu de budget et de temps). Le résultat – les films tournés – sont très différents formellement avec des mockumentaires pour Jean-Pascal Zadi, des films d’horreur et d’espionnage méta pour Hazanivicus, des comédies engagées pour Judith Davis et des films à sketchs pour David Marsais. Les différences sont nombreuses et c’est justement tout l’intérêt de ces entretiens qui révèlent et dessinent une cartographie de l’humour français, un territoire vaste et éclectique.

Ce qui rapproche alors ces discussions c’est l’excellent travail des journalistes – Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac et Théo Ribeton – qui tissent des liens discrets entre toutes ces filmographies. On en ressort en connaissant ce qui rapproche des artistes aux obsessions aussi éloignées. Premièrement le travail avec les acteurs, tous sont d’accord sur l’importance de mettre les comédiens en première ligne pour faire rire. Ainsi, certains parlent d’acteurs les ayant principalement inspirés – Louis de Funès en tête mais aussi Adam Sandler – tandis que d’autres évoquent leurs méthodes de travail avec les interprètes – notamment Sophie Letourneur qui détaille le tournage de Voyages en Italie. Certaines inspirations reviennent dans presque tous les entretiens, comme notamment la télévision. Florent Bernard évoque les comédies américaines passant sur le câble tandis que d’autres parlent du Jamel Comedy Club ou des late-shows américains. Ces conversations résonnent ensemble et créent dans l’esprit du spectacteur des liens passionnants.

Le plus captivant dans l’ensemble de ces textes est pourtant ce qui se cache en dessous, et ne se laisse dévoiler qu’une fois l’ensemble lu : l’importance de l’intime pour faire rire. Le divorce de ses parents pour Florent Bernard, l’expérience d’être réalisateur pour Hazanavicius et des souvenirs de vacances pour Letourneur. Une grande partie des films évoqués dans ce livre sont inspirés par des histoires personnelles. L’intime sert ici à dévoiler des blessures et à les guérir. Une idée qui charge chacune des discussions et qui met en valeur l’importance de la comédie française à la fois pour le public et pour les réalisateurs. Des Gens Drôles exprime une idée particulièrement touchante : pour ces cinéastes la comédie est importante. Elle reflète le monde, ses imperfections, ses moments de grâce, ses failles et toute son humanité. Entre les lignes se dessinent l’histoire émouvante du rire contemporain. Hazanavicius évoque en début d’entretien que « c’était un projet de vie génial de faire rire » et il résume parfaitement l’un des aspects les plus touchants de ce recueil : l’importance de la comédie pour tous les intervenants. Autant les journalistes qui évoquent et dirigent la conversation dans de nombreuses zones captivantes, que les cinéastes qui mettent en valeur la place du rire dans leurs vies respectives. Des Gens Drôles oui mais surtout des gens émouvants.

Des gens drôles – Publié le 21 mars 2024 par Playlist Society

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