Récemment encore, l’ancienne padawan d’Anakin Skywalker ne vivait qu’au travers de séries animées et conversations d’initiés, faisant d’elle la mascotte d’un Star Wars de niche, réservé aux spectateurs les plus érudits. La situation a légèrement changé : Ahsoka Tano est à présent sous le feu des projecteurs suite à une transition réussie vers le live-action et l’annonce d’un programme télévisé à son nom. Un événement bricolé par Dave Filoni (commandant officieux des opérations chez Lucasfilm) et perçu comme un sacre pour le personnage, discrètement (mais sûrement) placé au cœur d’une équation ingénieuse. L’esclandre autour de la postlogie a en effet fait revoir ses calculs au studio, incapable de contenter qui ce soit au cinéma et de facto pleinement tourné vers les blockbusters du petit écran. À coups de Mandalorian et Boba Fett, les scénaristes sont parvenus à court-circuiter les derniers films en ré-écrivant la franchise de l’intérieur, en tissant une nouvelle saga dans la saga.
Débarrassés des gros noms et de leur héritage encombrant, autant que possible à l’ère du fan-service, Filoni et ses équipes se sont saisis des trente ans qui séparent Le Retour du Jedi et Le Réveil de la Force pour y semer leurs projets. Une marge conséquente où tout (quasiment) peut se raconter ou, comme ici, se perpétuer. Car, on le sait, le showrunner voue un amour inconditionnel à ses créations, qu’il adore mettre en scène dès que l’opportunité se présente, peu importe sous quel format. Cette obsession pour la conservation et l’exportation de ses jouets, Ahsoka en est la consécration, ce qui en fait un programme frustrant de prime abord : Filoni n’aménage rien d’inédit avec cette fausse série originale, il donne suite aux histoires de Star Wars : Rebels. La démarche est d’ailleurs parfaitement assumée, au risque d’irriter les néophytes. Point de contextualisation, point de clarification des enjeux, le show embraye directement sur la traque du Grand Amiral Thrawn, perdu au fin fond de l’univers mais dont le retour potentiel émoustille les dernières troupes de l’Empire. Une menace tapie dans l’ombre, que les huit épisodes se chargent de concrétiser à l’image.
Ahsoka n’est donc pas le grand spectacle promis. Pas encore. La première saison est celle d’un recalibrage nécessaire pour amener les rebondissements du futur. Alors, La Guerre des étoiles revient à ses bases les plus pures, se laisse pénétrer par de nouvelles influences esthétiques (une architecture brutaliste tirée du récent Dune, un beau travail sur l’échelle, une colorimétrie tranchée) et dramaturgiques (certains éléments du Seigneur des anneaux figurent dans le script). La saga réaffirme haut et fort son statut d’œuvre de fantasy, avec lequel elle avait pris ses distances depuis L’Ascension de Skywalker, et retourne enfin aux concours de sabres laser façon Harakiri, au mysticisme, mais également à l’aventure pour ce qu’elle a de dépaysant, d’entraînant. Dave Filoni remonte jusqu’à la célèbre accroche, transporte ses personnages au bout de cette « galaxie lointaine, très lointaine » pour en estimer la largueur, l’étrangeté et le potentiel épique.
L’épopée prend la tournure d’une promesse, avec ses méchants impressionnants (de nuances), ses planètes vastes, sa faune intersidérale et ses prémonitions de batailles cosmiques. Une promesse qu’Ahsoka n’exauce que partiellement, en attendant d’autres saisons, d’autres séries. Pour l’heure, et puisqu’il lui faut justifier son titre, le show se focalise sur l’introspection de la Jedi éponyme, dont les traumas successifs lui ont fait perdre son espièglerie et douter de sa place centrale dans le cosmos Star Wars. Filou, le showrunner orchestre la revanche définitive de son héroïne sur le live-action en dédiant un épisode entier (le plus poétique de cette première fournée) à la connexion entre les films et leurs dérivés en animation. L’intrigue est alors mise en pause, le temps de laisser s’exprimer les fantômes du passé et les violons de Kevin Kiner, et de filer à Ahsoka Tano une tenue qui lui revient de droit : celle du nouveau visage de la franchise, elle qui, à l’instar de la série qui porte son nom, établit un lien tangible entre les innombrables médiums qui font Star Wars. Au fond, c’est elle, le nouvel espoir de la saga.
Ahsoka, 1 saison, 8 épisodes, 40 min, avec Rosario Dawson, Natasha Liu Bordizzo, Mary Elizabeth Winstead – Sur Disney+
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JACK7/10 BienAhsoka n’est donc pas le grand spectacle promis. Pas encore. La première saison opère un recalibrage nécessaire pour amener les rebondissements à venir. Pour l'heure, Dave Filoni transporte ses personnages au bout de cette « galaxie lointaine » pour en estimer la largueur.