Le cinéaste canadien de renom, Rob Jabbaz, a donné vie à son tout premier opus cinématographique intitulé The Sadness, dans les magnifiques décors taïwanais. Le film met en scène une distribution exclusivement composée d’artistes taïwanais, et son récit, d’une envergure narrative considérable, a été habilement conçu de manière à transcender toute spécificité nationale ou culturelle. À la lumière des ravages infligés à la civilisation humaine par la pandémie de COVID-19, il devient impérieux de reconnaître que nous sommes sur le point d’être submergés par une déferlante de films d’horreur axés sur cette thématique (il est d’ailleurs à noter qu’à peine six mois après le début de la phase de confinement la plus stricte, le réalisateur américain Rob Savage avait déjà dévoilé le thriller époustouflant Host). Dans The Sadness, Jabbaz s’approprie habilement le contexte contemporain comme une trampoline propice à son interprétation personnelle des schémas narratifs relatifs aux morts-vivants, héritage de la légendaire saga initiée par George A. Romero.
Le fil conducteur de l’histoire se révèle d’une simplicité absolue, déployé au sein de décors macabres. Tout commence par le couple central, Jack (incarné par Berant Zhu) et Kat (jouée par Regina), engagés dans une joute verbale aiguisée au sujet du report de leurs vacances. Cependant, la routine matinale de Jack est interrompue abruptement lorsque Kat se rend au travail. Rapidement, Jack est confronté à sa première rencontre avec une victime du virus Alvin, un mal sournois qui transforme ses hôtes en créatures arborant un regard rouge écarlate, empreintes de pure rage. Ce virus s’attaque, semble-t-il, au système limbique, ce plexus reliant la zone en charge de la régulation de l’agressivité à celle supervisant la pulsion sexuelle. Comme l’observe un personnage perspicace, “ces régions cérébrales ne sont pas aussi éloignées qu’on le pense”. Cet élément narratif sous-jacent constitue la genèse des thèmes profondément captivants explorés par The Sadness, mettant en lumière l’indomptable animalité qui sous-tend l’humanité et qui constamment érode les fondements fragiles de l'”équilibre social”. Jabbaz esquisse des idées aux connotations antihumanistes, distillant sporadiquement des gros plans sur le poisson de Jack, tournoyant sans relâche dans son bocal, métaphore de l’emprisonnement de ses homologues humains. Lorsque nous nous confrontons aux instincts de survie bruts et existentiels qui gouvernent notre véritable essence, notre nature se trouve définie exclusivement par une pulsion de conservation. Le film s’attarde sur cette notion par l’entremise de dialogues teintés de pessimisme : un homme infecté, déclare ainsi à une femme usant de la violence pour se défendre contre lui, “Vous êtes semblable à moi : violente et dépravée”.
Ces digressions philosophiques, bien que succinctes, exhalent une réflexion intellectuelle stimulante. Cependant, la première vocation de Jabbaz demeure le plaisir viscéral, exacerbant les scènes de carnage avec une fébrilité jubilatoire, mettant en exergue le meilleur de ses artifices pratiques (le recours occasionnel à des effets numériques ne doit pas occulter l’accent résolument mis sur l’horreur traditionnelle). C’est précisément ici que réside la prouesse la plus éminente du film : sa propension à plonger dans un Grand Guignol débridé, dévoilant des représentations inédites de mutilation et de meurtre. Cette approche s’avère une démarche parfaitement justifiée pour tout long métrage d’horreur, transcendant la frustration et la peur à travers une débauche visuelle lyrique et sans entrave. À une époque où le cinéma de genre s’enlise fréquemment dans des revendications thématiques grandioses et une autocensure étouffante, cette facette de The Sadness apparaît, en elle-même, revigorante. Le cycle des morts-vivants de Romero était l’incarnation de diagnostics cinglants et complexes, évoquant le racisme, le capitalisme, le complexe militaro-industriel et la surveillance technologique, le tout agrémenté d’images d’une violence inouïe, franchissant les limites. Bien que The Sadness s’inscrive dans cette tradition, son discours semble moins subversif, ses scènes sanglantes semblant prioriser l’humour macabre, contournant délibérément les conséquences les plus perturbantes d’un virus engendrant meurtres et viols généralisés.
Certes, l’on décèle des élans fugaces de commentaires sociétaux, les personnages émettant l’hypothèse que le virus Alvin pourrait n’être qu’une supercherie ourdie pour les bénéfices de l’élite fortunée, et un bref monologue semble conçu expressément pour refléter les conditions de notre monde contemporain : “Plus personne n’a confiance envers les médecins. Tout est désormais politisé. La vérité a cessé d’exister. Les politiciens sont les plus blâmables. Un confinement national serait perçu comme un suicide professionnel en cette année électorale, ces derniers réticents à précipiter le pays dans une récession.” Cependant, ces incursions sociopolitiques semblent méthodiquement calibrées pour éviter toute perturbation majeure, privilégiant globalement le divertissement à la provocation.
The Sadness de Rob Jabbaz, 1h40, avec Regina Lei, Berant Zhu, Tzu-Chiang Wang – Disponible sur Shadowz.
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Louan Nivesse7/10 Bien"The Sadness," de Rob Jabbaz, est un film d'horreur qui plonge dans une pandémie terrifiante et offre un mélange unique de terreur viscérale et d'humour macabre. Il explore des thèmes philosophiques tout en offrant une expérience visuellement percutante, bien que son potentiel pour des commentaires sociaux plus profonds soit sous-exploité. Inspiré par le cinéma de zombies de George A. Romero, le film est une œuvre divertissante qui oscille entre l'horreur et la comédie noire.
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JACK7/10 BienBel étalage de viande que The Sadness, qui révèle toute la noirceur du genre humain avec une pandémie, des zombies et une avalanche de gore. Sadique, le film assume de l'être complètement en faisant gicler la tripaille et en accumulant les séquences pessimistes.