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[RETROSPECTIVE] Splendeur – Trio gagnant (et amoureux…)

L’œuvre de Gregg Araki s’avère être un terrain propice à une investigation d’envergure, et Splendeur ne saurait faire exception à cette règle, au contraire. Cette comédie polyamoureuse, bien qu’habituellement reléguée aux marges de l’œuvre du cinéaste, se révèle digne d’une exploration minutieuse, tant sur le plan de ses thèmes que de son style, tout en méritant une place distincte au sein de la filmographie du cinéaste.

Veronica, incarnée avec brio par Kathleen Robertson, revêt la complexité d’un personnage qui incarne la jeunesse contemporaine. Ses attributs, empreints de superficialité, d’indécision et d’égocentrisme, semblent refléter les caractéristiques distinctives de la génération Y. En effet, Veronica évolue dans le rôle d’une intérimaire, rêvant d’accéder à la scène artistique tout en maintenant des relations simultanées avec trois prétendants masculins. Ce faisant, elle traduit la quête inextinguible de sens et d’identité qui caractérise la jeunesse actuelle et les idées du cinéaste, cherchant à colmater le vide intérieur par le truchement d’expériences superficielles. Le film inaugure son récit par une méditation sur l’amour en tant que mystère. Cette réflexion prend corps dans la scène inaugurale où Veronica se trouve dans l’intimité d’Abel et Zed, un enchevêtrement de corps qui se veut tout sauf une illusion, comme en atteste la voix off. Cela souligne la complexité des liens amoureux et la complexité inhérente aux relations humaines. Le fait que nos protagonistes ne soient pas contraints de choisir entre l’amour et le désir charnel illustre magistralement la fluidité des rapports sentimentaux contemporains.

L’esthétique visuelle façonnée par le génie d’Araki prend une importance cruciale dans Splendeur. Les scènes de rave et de fêtes, par exemple, saturent l’écran de leurs couleurs chatoyantes, de leurs jeux de lumières stroboscopiques, et de la musique électronique qui accompagne la transe de ces moments festifs, créant ainsi une immersion sensorielle pour nous, spectateurs. L’utilisation judicieuse de la musique de Slowdive renforce cette ambiance onirique qui nimbe le film, tout en instaurant un contraste éloquent avec les thèmes de nature plus réaliste. La comédie s’impose comme une perspective inattendue. Cette dimension comique se matérialise pleinement dans les scènes où Veronica, Abel et Zed se familiarisent avec la dynamique inhabituelle de leur trio. Par exemple, lors de leur virée commune au supermarché, des situations comiques surgissent, alors qu’ils tentent d’appréhender les subtilités de leur relation peu conventionnelle. Le glissement de l’obscurité à la comédie témoigne du renouveau créatif d’Araki en tant que cinéaste. La dynamique du trio amoureux se pose en pierre angulaire du film. Le personnage d’Abel incarne le romantisme et l’intellectualisme, tandis que Zed symbolise la dimension purement charnelle de la relation. Lorsque Veronica décide de ne pas trancher entre eux, cela bouscule les normes de la monogamie et scrute la complexité des désirs humains. Cette démarche reflète encore plus une évolution dans la représentation des liens amoureux dans le cinéma contemporain et dans la filmographie d’Araki, on est loin de la dynamique du trio vu dans The Doom Generation.

À sa sortie en 1999, Splendeur suscita une réception mitigée de la part des critiques. Ce verdict ambigu pourrait être attribué à la démarche iconoclaste d’Araki, rompant avec les conventions établies, ainsi qu’à la résistance du public face à un récit centré sur le polyamour. Les critiques ont possiblement omis de percevoir la subversion que le film opère vis-à-vis des attentes classiques à l’égard du metteur en scène qui, à travers sa réalisation, révèle une métamorphose notable dans son parcours artistique. Là où ses œuvres antérieures s’avéraient souvent sombres et provocatrices, Celui-ci offre une perspective plus légère sur l’amour et les relations humaines. Cette évolution témoigne de la polyvalence du cinéaste et de sa capacité à explorer de nouveaux horizons.

Splendeur mérite amplement d’être reconnu pour sa contribution à la représentation de la sexualité et des relations non conventionnelles dans le cinéma. Le film a pavé la voie à une réflexion plus subtile sur l’amour et la jeunesse contemporaine. Son héritage se dessine dans la manière dont d’autres cinéastes abordent dorénavant ces thèmes, tandis qu’il perdure en tant qu’œuvre majeure pour ceux qui explorent le polyamour et la complexité des relations. Trop souvent oubliée, mais toujours là pour nous rappeler qu’Araki avait de l’avance.

Splendeur de Gregg Araki, 1h33, avec Kathleen Robertson, Johnathon Schaech, Matt Keeslar – Sorti en 1999

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