Rob Savage, le jeune cinéaste horrifique que vous connaissez pour son film Le Croque-Mitaine, sur lequel vous pouvez retrouver notre critique ainsi qu’une analyse par notre rédacteur en chef aigri, a réalisé auparavant Dashcam, un film “found footage” d’à peine 1h20. Aujourd’hui, nous allons décrypter ce film pour vous donner un aperçu du projet. Le film met en scène la chanteuse Annie Hardy dans son propre rôle, dans une satire de son émission Bandcar. En jouant avec la frontière entre réalité et fiction, Dashcam s’inscrit dans la lignée de nombreux “found footage” qui ont fait de même. L’objectif est de semer le doute dans l’esprit du spectateur et ainsi le rendre plus réceptif aux événements horrifiques. Un des exemples les plus évidents est la campagne de communication virale lancée autour de The Blair Witch Project, donnant l’impression qu’il s’agissait d’un documentaire.
Dashcam s’inscrit donc dans l’héritage des plus célèbres “found footage” du cinéma. Mais revenons à notre sujet initial : de quoi parle-t-il ? Tout simplement d’un road-trip qui dérape, allant jusqu’à des scènes d’une violence sanglante et brutale. Notre protagoniste, détestable au premier abord, se retrouve contraint de transporter une grand-mère d’un point A à un point B. Une tâche en apparence simple, mais cette mamie semble être légèrement énervée (et possédée, au passage). Le film reprend ainsi les éléments les plus importants de son genre, tout en y ajoutant une touche de modernité. La caméra utilisée dans le cadre du film sert toujours à immerger le spectateur, mais ici, le chat intégré en direct accentue cet effet. Ainsi, nous avons constamment du contexte et des intrigues qui se développent et se superposent grâce aux commentaires affichés à gauche de l’écran. Nous sommes tout simplement l’un des spectateurs de cette diffusion en direct, qui flirtent sans cesse avec le quatrième mur, risquant de s’y écraser.
Mais surtout, Rob Savage utilise le “found footage” pour (sur)signifier que les images ont un pouvoir. Ici, la caméra permet parfois de se protéger, ou au contraire, de se mettre en danger en révélant sa localisation aux nombreux poursuivants. Il arrive même que ces antagonistes répondent dans le chat, ajoutant ainsi des couches narratives supplémentaires. Ce genre semblait usé jusqu’à la corde, notamment après le millier de “found footage” des années 2000. Pourtant, on y trouve encore de l’intérêt et des nouveautés. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que Savage nous propose un petit raté avec le très classique Le Croque-Mitaine, tandis qu’il se révèle inventif et original dans Dashcam.
Malgré toutes ces bonnes idées, nous avons quelques réserves concernant ce long-métrage, notamment en ce qui concerne son aspect satirique mal dosé. Son héroïne, adepte de Trump et complotiste (pléonasme), rend rapidement les dialogues insupportables, surtout en pleine période de la pandémie de COVID-19. Pour renforcer cet aspect, il y a évidemment une multitude de commentaires rappelant une fois de plus les partisans de Donald Trump (célèbre pour son rôle dans Maman, j’ai encore raté l’avion), ce qui alourdit l’ensemble et le rend agaçant. La frontière entre parodie et véritable personnalité d’Annie Hardy est suffisamment floue pour nous empêcher de nous attacher à ce protagoniste insupportable. Heureusement, après une trentaine de minutes, alors que le road-trip horrifique commence, on se réjouit presque de la voir endurer toutes ces épreuves.
C’est quoi le cinéma de Rob Savage ? Il est plutôt difficile à cerner, car il enchaîne à la fois les bonnes idées et les très mauvaises. Parfois audacieux, parfois d’un classicisme soporifique. C’est un cinéaste captivant à suivre, car on se demande s’il réussira à libérer tout son talent ou s’il s’effondrera, à l’image de ce qui s’est passé avec Le Croque-Mitaine. Ses prochains projets de films d’horreur, qu’il s’agisse de Night of the Ghoul ou d’un énième remake de La colline a des yeux, nous donneront les clés pour comprendre cet énigmatique cinéaste.
Dashcam de Rob Savage, 1h17, avec Annie Hardy, Amar Chadha-Patel, Seylan Baxter – Disponible sur Shadowz