Inspiré du roman d’Olive Higgins Prouty, Une femme cherche son destin est l’occasion pour Bette Davis d’incarner un personnage fragile, se relevant d’une dépression après avoir été dans une maison de repos. Victime de la tyrannie de sa mère à la maison, Charlotte (Bette Davis) cherchera à repartir de l’avant en cherchant l’amour pour s’évader. On ne saurait en dire davantage sur l’intrigue du film d’Irving Rapper tant elle paraît claire comme de l’eau de roche. En réalité, la redécouverte de cette œuvre tient précisément de la transformation physique et psychologique de la femme incarnée par l’actrice.
Devenue plus confiante, mieux dans sa peau, Charlotte séduit les hommes sans difficulté et fait preuve d’un charme tout à fait déstabilisant. En revoyant sa fille, la mère est prise d’une forme de jalousie, voire de honte à constater qu’elle n’a plus du tout la mainmise sur sa fille. Si l’écriture n’est certainement pas subtile, le propos restant trop surligné, Rapper utilise les travellings à bon escient pour distancer et rapprocher le spectateur de son personnage. Privilégiant le mélodrame au drame psychologique, le cinéaste rend compte du processus de psychothérapie visant à transformer les souvenirs douloureux en évènements positifs. Cela explique notamment les scènes répétitives où Charlotte reproduit, ou tente de faire les mêmes choses que celles décrites dans le flashback de la première partie du long-métrage.
Cette vision de la cure psychologique, notamment étudiée par Sigmund Freud, reste toutefois redondante et peu exploitée si l’on observe l’enjeu majeur du récit : s’imposer face à sa mère. En cela, Now Voyager, dans son titre original, adresse un message à soutenir sur l’émancipation de la femme qui prend le dessus sur les conséquences dramatiques pour le personnage féminin. Pire, Rapper et les scénaristes jouent avec le code HAYS pour blaguer, à base de connotations sexuelles implicites via les comportements masculins et féminins. Cela n’est non seulement pas très drôle, et appuyé mais également peu en lien avec l’intention originelle. La relation prévisible entre Charlotte et la petite fille déçoit, restant facile et trop rapide dans l’exécution du scénario.
La simplicité d’écriture ne permet pas vraiment à l’œuvre d’être plus qu’un drame inachevé, ou un mélodrame bancal malgré les bonnes idées. Rapper réalise un produit de son époque, plutôt bien emballé avec sa photographie, mais édulcorant le processus de rétablissement de la dépression. Rappelant quelque peu Elle et Lui (1939), Une femme cherche son destin prend tout son intérêt lorsque mère et fille sont à l’écran. La peur de redevenir le spectre de la jeunesse pour Charlotte, qui doit encore faire face aux critiques de sa mère sous peine de la blesser, est désarmante.
Une femme cherche son destin de Irving Rapper, 1h57, avec Bette Davis, Paul Henreid, Claude Rains – Projeté à la 51e édition du Festival La Rochelle Cinéma, sorti en 1947