[RETROSPECTIVE] – Hunger Games, la révolte, partie 1 – Soulèvement

Katniss a été sauvée de l’arène par le gouvernement secret du district 13, censé avoir été détruit lors d’une insurrection passée. Elle découvre qu’en réalité, ce district n’a jamais cessé d’exister, mais prépare dans l’ombre une rébellion armée, commandée par la présidente Coin contre le Capitole et le président Snow. Alors qu’elle sort traumatisée et blessée de l’arène, elle remarque que quelqu’un manque à l’appel : Peeta.

Francis Lawrence a la lourde tâche de rendre la première partie de cette dernière histoire passionnante, ce qui n’est pas chose aisée. Le récit écrit par Suzanne Collins est à la fois intimiste, politique et stratégique. Il ne se limite pas à une dose d’action survitaminée et n’évoque en aucune manière l’arène ou des adolescents forcés de s’entretuer. Il s’agit d’un récit de guerre, montrant comment se construit une résistance. Au lieu de nous immerger dans des actes de rébellion et de sabotage, nous sommes confrontés ici aux conséquences et à la préparation de cette dernière. Collins nous met face à une seule chose : la responsabilité des personnages. Tout ceci se démarque grâce à la construction de son personnage principal, Katniss. Dans ce volet, tout le développement du personnage depuis le début du premier film prend enfin tout son sens. Katniss incarne un personnage qui ne souhaite plus être au centre de l’attention. Elle refuse de se battre, de devenir un symbole et de résister. Et cela grâce à son plus grand défaut : la manipulation. Ce volet est le plus riche, le plus politique et le plus rempli de sous-texte.

Collins et Lawrence critiquent de nombreuses thématiques de notre époque en les reliant à une imagerie du passé. La première séquence, se déroulant dans les décombres du district 12 détruit, rappelle visuellement la Seconde Guerre mondiale, en particulier les camps de concentration. Face à un tas de cadavres encore fumants et au traumatisme, le film nous confronte à notre rôle de spectateur à travers une équipe de tournage qui demande à Katniss : “Comment te sens-tu ? “. En mélangeant l’horreur de notre histoire à l’exploitation excessive des images de notre époque, cette scène résume à elle seule tout le troisième volet. Elle met en lumière l’horreur, la réaction à l’horreur et l’utilisation de cette réaction à des fins lucratives. Katniss devient malgré elle un instrument de propagande, et le film nous met en garde quant à la manipulation des images. Avec l’image, montrer devient mentir. Une autre scène du film met en avant ce propos : alors que Katniss accepte enfin de devenir le symbole de la résistance, la présidente Coin tente de la faire enregistrer dans un film de propagande. Échouant dans cette entreprise, Plutarch, devenu conseiller de Coin, demande à Katniss de se rendre dans un district en pleine guerre. Une fois sur place, Katniss, désorientée, est contrainte de montrer un visage fort, car les autres personnages placent en elle leurs espoirs, mais des espoirs qu’elle ne souhaite pas assumer. Néanmoins, elle se voit obligée de le faire, et le district 13 exploitera cette situation à son insu.

Dans sa mise en scène, Lawrence brise les codes du personnage de Katniss. Plus de tenue élaborée, de grand spectacle ou de séduction. Il nous présente un personnage traumatisé, plongé dans une forme intense de folie et luttant pour sa survie. Katniss plus solitaire que jamais et la mise en scène s’adapte à cet aspect intime. Lawrence adopte davantage le style de réalisation de Ross dans le premier volet, en se concentrant sur Katniss. Néanmoins, il varie les points de vue à quelques moments clés, notamment en se focalisant sur le personnage de Gale. L’intimité du récit se reflète également dans la manière dont il est raconté. Les personnages secondaires et tertiaires prennent plus d’importance que dans les précédents volets. La sœur et la mère de Katniss, qui étaient des personnages fonctionnels dans les premiers opus, sont ici développés. On leur attribue de véritables motivations et des objectifs à atteindre, renforçant ainsi le lien entre le spectateur et ces personnages. Tout ceci est, bien entendu, porté avec justesse par les acteurs du film. Jennifer Lawrence interprète toujours Katniss avec brio, représentant la déchéance de ce personnage avec profondeur et compassion. Cependant, ce sont fondamentalement les personnages de sa mère, de sa sœur et de Gale qui prennent ici une importance capitale dans le récit, et leurs interprètes, Willow Shields et Paula Malcomson, les nourrissent avec talent.

Ce retour à l’intime montre à quel point Hunger Games est une saga qui se vit uniquement à travers les yeux d’un personnage. Contrairement au deuxième volet, Lawrence a bien compris cela, même lors des scènes d’action. Même si elles sont peu nombreuses, elles sont dotées d’une véritable personnalité contrairement au deuxième volet. La caméra reste très proche des personnages, permettant aux spectateurs de vivre avec eux des événements impressionnants à échelle humaine. La scène de défense du district 8 en est un bon exemple. En suivant Katniss dans les décombres, en esquivant les balles des avions, nous sommes plongés dans cet univers. Le réalisateur a bien compris que cela dépendait avant tout du point de vue du personnage de Katniss. Dans cette même séquence, nous sommes emmenés dans un hôpital de fortune où nous suivons Katniss évoluer parmi les malades, et la caméra suit son regard en naviguant de lit en lit. Cela nous plonge au cœur du personnage de Katniss et, par conséquent, de l’univers du film, montrant que le récit se traverse avant tout à travers les yeux de son personnage principal pour être pleinement apprécié.

Il est essentiel de parler des performances de Julianne Moore, Donald Sutherland et Philip Seymour Hoffman dans ce dernier volet. Julianne Moore incarne la présidente Coin du district 13, et elle apporte à merveille la manipulation et la personnification de la politique moderne. Moore laisse transparaître un doute constant quant aux véritables motivations de son personnage. Pourquoi agit-elle ainsi ? C’est la question majeure de Katniss et du spectateur. Avec Plutarch et le président Snow, les trois personnages forment un trio luttant chacun pour atteindre ses objectifs coûte que coûte. Philip Seymour Hoffman reprend son rôle de Plutarch, déjà aperçu dans le deuxième volet. C’est le dernier rôle de cet acteur exceptionnel, et même s’il s’agit de cinéma grand public, la prestation de Hoffman n’a rien à envier à un film d’auteur ou à ses rôles les plus emblématiques. Il incarne à merveille, comme ses collègues, le politicien parfait. Hunger Games : L’Embrasement avait réussi à semer le doute quant aux motivations de ce personnage, et ce nouveau volet multiplie ces doutes, maintenant le spectateur en haleine jusqu’à la fin. L’interprétation de l’acteur y est pour beaucoup. Affichant un sourire presque permanent, Hoffman confère à son personnage une aura envoûtante. On a envie de le croire, mais à quel prix ? Cela crée une angoisse constante, nous faisant nous demander lequel des trois est le pire dans tout cela. En tête de file, le président Snow, interprété par Donald Sutherland, à la fois charmant et terrifiant pour le public. Ces trois acteurs se livrent à une véritable impasse mexicaine, et nous attendons avec peur et fascination lequel d’entre eux fera le premier pas.

En somme, ce volet saisit toute la substance du récit de Hunger Games. Lawrence corrige les erreurs du deuxième volet et réapproprie le personnage de Katniss comme l’héroïne unique et centrale. Cependant, quelque chose cloche. Même si l’intimité, la politique et le spectaculaire fonctionnent admirablement bien, le film souffre parfois de longueurs. En effet, l’adaptation en deux parties de ce récit, bien que cela étoffe l’univers et la richesse du récit, comporte le risque de traîner en longueur. Le film se termine par un cliffhanger peu subtil, laissant le spectateur en attente du dernier volet. C’est un choix des producteurs, que Lawrence a défendu dans des interviews après la sortie du film. C’est dommage, car le film saisit à merveille tous les codes de cet univers, pour notre plus grand plaisir.

Hunger Games – La Révolte : Partie 1 de Francis Lawrence, 2h03, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth – Sorti en 2014

4/10
Note de l'équipe
  • JACK
    4/10 Passable
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