Sorti au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, A Matter of Life and Death (ou Une question de vie ou de mort en version française) jongle entre le monde des morts et celui des vivants mêlant à la fois amour, diplomatie et fantaisie.
En mai 1945, lorsqu’un avion anglais touché par l’ennemi et pris par les flammes au large de la Grande Bretagne, ce dernier ne laisse à bord comme seul survivant Peter Carter (incarné par David Niven). Carter parvient à joindre June (incarnée par Kim Hunter), une opératrice radio américaine qui sera par conséquent la dernière à entendre les dires de Peter précédant sa mort. La correspondance terminée, le soldat anglais se laisse tomber dans le vide, sans parachute. Par pur miracle, Carter se réveille indemne de son saut suicidaire, émerge de la mer et parvient à rejoindre la terre ferme où il retrouve la jeune américaine. Ainsi victime d’une erreur de l’administration des cieux due au brouillard lors de sa chute, celui-ci se voit rappelé par son guide céleste lui annonçant qu’il doit rejoindre ses confrères dans l’autre monde, loin des mortels. Mais il est déjà trop tard, Peter Carter est amoureux de June et ne veut quitter la Terre. S’ensuit alors une multitude d’aller-retours entre les deux mondes jusqu’au procès du soldat partiellement mort afin de poser un verdict final sur sa situation.
De la collaboration entre Michael Powell et Emeric Pressburger naquirent plusieurs œuvres marquantes telles que Le Narcisse noir, Les Chaussons rouges ou encore Une question de vie ou de mort. Ce film réalisé en 1945 selon les volontés du ministère de l’Information britannique dans le but d’améliorer les relations diplomatiques entre les USA et l’Angleterre, unit sous l’aile de cupidon, l’amour passionnel entre un Anglais et une Américaine. Cependant, Powell et Pressburger insiste sarcastiquement sur la différence de nationalité tout au long de l’œuvre, invitant même à la situation, l’intervention des différentes nations. Effectivement, lors du procès de Carter, quand la bureaucratie céleste discute du sort de notre Anglais, la diversité du monde se voit conviée à donner son positionnement sur la question. La diplomatie est ici tournée de manière humoristique, le film se joue du conflit mondial abordant cela comme une ironie. Loin d’être macabre et donc loin de notre réalité, la situation sur Terre s’oppose au monde des immortels. Une opposition entre la vie et la mort que seul le soldat anglais peut percevoir, étant le principal concerné.
L’arrivée du Docteur Frank Reeves (incarné par Roger Livesey) s’offre aux spectateurs comme l’un des leurs. Être rationnel au cœur de cette fantaisie, Reeves rentre dans ce conte qu’il considère comme sorti tout droit des dommages collatéraux issus de la chute de Carter. Il observe le monde à travers sa longue vue au même titre que le spectateur observe ce film à travers son écran, s’immergeant dans cette excentricité utopique. Plongée dans les tons Technicolor, la réalité qui fait sens dans le film n’est autre que le reflet d’une Angleterre conviviale, le monde s’épanouit dans sa bonté et sa bonne humeur où les sentiments amoureux et amicaux priment sur tout le mal être causé par l’affront des hommes.
« Ça nous manque vraiment la Technicolor, là-haut ! » prononcé par le guide céleste ; l’opposition entre la vie et la mort est flagrante. Dans l’au-delà où la perception d’une architecture grandiose à n’en plus finir ne se consume qu’en noir et blanc, la mort s’apparente à l’ombre de la vitalité terrestre. Peter Carter ne voulant appartenir à cette éternité abyssale, s’efforce par tous les moyens de légitimer sa vie et son amour sincère auprès du personnel divin.
Avec cette ode à la joie de vivre, le septième art nous parsème d’amour et d’eau fraîche tout en nous faisant valser entre les deux mondes. Finalement loin d’être une lettre d’amour invitant à la réconciliation des deux pays, celle-ci en revanche nous invite à nous réconcilier avec le bonheur de la vie en plaçant de manière centrale la question de vie ou de mort.
Une question de vie ou de mort de Michael Powell et Emeric Pressburger, 1h44, avec David Niven, Kim Hunter, Marius Goring – Sorti au cinéma le 25 juin 1945