[RETOUR SUR..] Reds – Warren Beatty, le militant (Festival Lumière 2023)

Pour appuyer notre amour pour l’acteur Warren Beatty, il convient de souligner son rôle majeur au sein du mouvement du Nouvel Hollywood, où il a été protagoniste de films tels que Bonnie & Clyde, A Cause d’un Assassinat, John McCabe (critiqué ici) et Shampoo. En outre, Beatty a également endossé le rôle de réalisateur pour plusieurs films, notamment Le Ciel peut attendre, un remake du film Le Défunt Récalcitrant d’Alexander Hall, L’Exception à la Règle il y a quelques années, et bien sûr Reds, qui lui a valu l’Oscar du meilleur réalisateur en 1982.

Démocrate, Beatty a utilisé le cinéma comme un moyen de transmettre ses idéaux tout au long de sa carrière. Cela se manifeste notamment dans ses choix de rôles, par exemple avec A Cause d’un Assassinat qui est une vive critique des institutions américaines, ainsi que dans ses débuts de carrière où il jouait souvent des jeunes hommes en marge de l’Amérique à laquelle ils ne parvenaient pas à s’intégrer. Cette tendance à remettre en question le gouvernement américain se poursuit dans sa carrière de réalisateur, en particulier avec Reds, un film impressionnant qui, à certains moments, semble promouvoir le communisme, et ce malgré son financement par les États-Unis.

Reds, c’est l’histoire de John Reed et de sa rencontre avec Louise Bryant, se déroulant entre 1915 et 1920. Beatty incarne le journaliste ayant couvert la révolution bolchevik de 1917 pour le journal socialiste The Masses. Malgré notre scepticisme à l’égard des biopics, Reds est l’un de nos préférés du genre, grâce à un casting exceptionnel comprenant Diane Keaton, Jack Nicholson et Gene Hackman. Le réalisateur adopte un point de vue audacieux en retraçant les dernières années du journaliste, réprimandé par les autorités américaines pour ses positions et son discours. Reds, comme certains de ses films précédents, remet en question le gouvernement américain, à la fois sur la scène intérieure et extérieure. Cependant, le film ne se positionne pas comme étant anti-américain, mais plutôt en faveur d’une entente entre les deux grandes puissances mondiales, malgré la Guerre Froide qui sévissait encore, bien que moins intense, dans les années 80.

C’est une œuvre massive, dépassant les 3 heures de durée, qui parvient à être à la fois épique dans son récit de l’épopée de Reed entre les États-Unis et l’URSS, et intimiste grâce aux brillantes interprétations de Beatty et Keaton. La mise en scène est à saluer, capturant parfaitement les décors variés et les émotions complexes des personnages, qui sont souvent ambivalents. Cette ambivalence est ce qui rend le film si puissant, car Beatty parvient à dépeindre un tableau nuancé de ses personnages, évitant les stéréotypes. Un exemple frappant est le personnage de Louise Bryant, pour lequel Diane Keaton a remporté l’Oscar du meilleur second rôle. Bryant évolue de manière magnifique, oscillant entre la raison et la déraison, tout en incarnant un personnage féminin fort, même pour l’époque des années 10. Cette complexité reflète l’attachement de Beatty à son personnage féminin, notamment parce qu’il avait envisagé que Julie Christie, sa compagne des années 70, l’interprète, alors qu’il travaillait sur le projet. Christie a également contribué de manière significative à l’écriture du film.

Le long-métrage exprime une bienveillance profonde envers le communisme, en mettant en lumière non seulement ses dirigeants, mais aussi les individus de base qui soutiennent cette idéologie. Bien qu’il ne soit jamais devenu une œuvre de propagande, il reste une réflexion sur les États-Unis. De manière surprenante, le film a été très bien accueilli, remportant trois Oscars, dont celui de la meilleure réalisation, et même le président Reagan, connu pour son anti-communisme, l’a apprécié. Avec Reds, Warren Beatty laisse une marque indélébile dans l’histoire du cinéma. C’est un film unique et pacifiste qui aborde la révolution de février d’une manière exceptionnelle, avec une intelligence et une perspective qui méritent d’être saluées. Bien qu’il ne traite pas directement de la Guerre Froide, qui a éclaté plus de 20 ans après les événements du film, il offre l’un des regards les plus perspicaces sur ce conflit.

Reds de Warren Beatty, 3h02, avec Warren Beatty, Diane Keaton, Edward Herrmann – Sorti en 1982

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