Moonraker se présente comme une fusion harmonieuse entre l’univers de James Bond et l’épopée galactique de Star Wars. En ce somptueux millésime de 1979, marqué par l’avènement de Star Trek sur les écrans de cinéma, le onzième opus de l’agent du MI6 surgit en tant que l’ultime long-métrage à s’inscrire dans la mouvance de la science-fiction, initiée par l’œuvre magistrale de George Lucas en 1977. Le public se rua vers les salles obscures pour s’immerger dans l’univers de Moonraker, propulsant ce film d’espionnage au sommet de la rentabilité, jusqu’à Goldeneye. L’osmose parfaite entre l’action effrénée et les affrontements intersidéraux séduisit la frénésie américaine. Si quelques éléments tendent parfois vers la déraison, une caractéristique qui fleurissait dans l’ère de Roger Moore, il n’en demeure pas moins que la solidité des effets spéciaux, la maestria des séquences d’action et la loyauté stricte à la “formule Bond” maintiennent ce film au sommet des réalisations de l’acteur en tant qu’agent secret britannique.
Au-delà de la mise en avant de séquences spatiales dans la promotion du film, l’intrigue de Moonraker se déploie principalement sur notre planète Terre, au gré d’un périple riche et varié, depuis la Californie jusqu’au Brésil, en passant par Venise. Les deux séduisantes “Bond girls” incarnent également des créatures terrestres (007 n’a pas encore étendu ses charmes aux confins de la galaxie) : Lois Chiles, dans le rôle de Holly Goodhead, agent de la CIA et astronaute émérite, et Corinne Clery, campant le personnage de Corinne Dufour, assistante du mégalomane du jour, le Drax, interprété avec brio par Michael Lonsdale.
L’histoire s’amorce avec le détournement d’une navette spatiale Moonraker, prêtée par les États-Unis à la Grande-Bretagne. Désireux d’éclaircir cette situation énigmatique, le gouvernement britannique dépêche l’agent 007 en mission d’enquête, amorçant son périple par les vastes étendues californiennes, siège des industries Drax, où ladite navette a été conçue. Dès son arrivée, Bond se lance dans une quête de vérité, devenant aussitôt la cible d’une série d’assauts meurtriers. En cours de route, une liaison romantique s’épanouit avec le Dr. Holly Goodhead, éminente scientifique au service de Drax, et une rencontre inattendue avec un vieil antagoniste, Jaws, incarné à nouveau par Richard Kiel.
Si le point culminant de Moonraker trouve son apothéose dans une dernière demi-heure, se déroulant à bord d’une station spatiale en orbite terrestre, il s’agit en réalité de la portion la moins captivante du récit. Celle-ci se résume à une démonstration d’effets spéciaux, avec des fusillades au laser et des escarmouches spatiales entre navettes et satellites mortels. Les séquences d’action les plus palpitantes sont, en fait, antérieures à la périlleuse excursion de Bond dans l’espace. En somme, Moonraker nous rappelle que l’essence de Bond se déploie bien davantage sur notre bonne vieille Terre.
Une mention toute particulière s’impose pour la mélodie originale de John Barry, incontestablement sa meilleure composition depuis Au service secret de Sa Majesté. Barry tisse habilement le thème emblématique de “James Bond ” et la mélodie “007 ” au sein d’une trame musicale riche, dont le leitmotiv principal réside dans la chanson-titre, “Moonraker“. De surcroît, Barry fait montre d’une sélection de motifs musicaux d’une variété inhabituelle, incluant le thème familier des Sept Mercenaires et le célèbre salut en cinq notes de Rencontres du troisième type.
Habituellement, les personnages des films de Bond n’évoluent guère. Toutefois, une exception notoire émerge avec Jaws. L’un des adversaires les plus mémorables de 007 revient pour un deuxième duel, après sa première apparition dans L’Espion qui m’aimait. Cette fois-ci, l’homme aux dents d’acier découvre l’amour, un élément qui adoucit ses traits. Bien que Jaws demeure aussi invincible que jamais, une facette inattendue de sa personnalité se révèle à la fin du récit. Cependant, point d’attentes démesurées envers une métamorphose dramatique – rappelons-nous que nous évoluons toujours dans l’univers de James Bond.
Moonraker signe la dernière prestation de Bernard Lee dans le rôle de M. L’acteur nous quitta tragiquement alors qu’il se préparait pour le prochain opus de Bond, Rien que pour vos yeux. Aucun autre interprète de M. n’a pu égaler la présence de Lee, révélant ainsi la valeur cruciale de ce personnage secondaire au sein des aventures de l’espion.
En tant que quatrième opus de Roger Moore dans la peau de Bond, Moonraker s’impose comme une continuité gratifiante à L’Espion qui m’aimait. Les amateurs de science-fiction pourront parfois se sentir heurtés par certaines audaces prises, mais une dose de tolérance s’impose. En fin de compte, ce film s’adresse à un public spécifique. Il nous invite à sublimer le “fiction” dans science-fiction, tout en admettant que, dans l’univers de Bond, le réalisme est la dernière chose que l’on recherche, voire que l’on souhaite.
Moonraker de Lewis Gilbert, 2h10, avec Roger Moore, Michael Lonsdale, Lois Chiles – Sorti en 1979