Le film de prison regroupe des éléments bien précis, qu’il se concentre entièrement sur le drame ou pas. Luke la main froide reprend la dimension thématique du genre, mais se rapproche surtout de ce que Mervyn Le Roy avait fait, avec Je suis un évadé (1932). Suite au vandalisme effectué de sa part, le vétéran de guerre Luke Jackson doit purger deux ans de prison dans un camp de travail. Il ne souhaite rien d’autre que de vivre comme il le souhaite, être libre sans qu’on lui impose la chose, bien souvent écrasée jusqu’à la moelle.
Le réalisateur Stuart Rosenberg livrait non seulement un film magnifique au propos résolument humaniste, mais sans être complètement biaisé par le propos sur les conditions de travail forcé, qui pouvait manquer d’ambiguïté. A ce titre, la performance de Paul Newman alors récompensé d’un Oscar est à souligner, interprétant cet homme incarnant le saint, dont le regard évoque un espoir et une inconscience fragile. La nuit est un élément important du film, le temps où les hommes peuvent enfin vaquer à leurs occupations personnelles, parfois perdus dans leurs fantasmes irréalisables au jour, que les panneaux de signalisation invitent enfin à rejoindre.
Mais pour autant, comme Je suis un évadé, la perspective du long-métrage épouse celle d’un universalisme bouleversant, en choisissant de représenter le groupe et pas uniquement l’individu. Les scènes avec les femmes sont très peu présentes, mais renvoient à la perte d’une quelconque stabilité émotionnelle, qu’il s’agisse de l’absence de la mère ou d’une épouse jamais revue ou rencontrée. Le groupe est ainsi attachant mais également compréhensible dans leur joie pour le peu de moments simples qu’ils puissent avoir. L’autorité elle, est victime de son propre fonctionnement, stylisé à l’extrême, jusqu’au cliché du policier un peu trop fier de son arme à feu, qui ne sait plus comment et quand réagir.
La direction artistique, elle est sublime. Cary Odell fournissait un beau travail sur l’image, sublimant les plans larges par une lumière évangélique, sans forcer un pathos inapproprié. La musique de Lalo Shiffrin finit par l’emporter sur la dernière parole de Newman, rien n’a pu être communiqué, mais tout s’est fait ressentir entre hommes : par le sourire, la souffrance. La main froide, pour cause d’un vécu répété.
Luke la main froide, 2h 06min, drame de Stuart Rosenberg avec Paul Newman, George Kennedy, J.D. Cannon
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Sortie le 1 décembre 1967 au cinéma.
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