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[RETOUR SUR..] La Légende de Zatōichi : Le Masseur Aveugle – Plus gangster que chambara (Festival Lumière 2023)

Dans le cadre de la nuit consacrée à Kenji Misumi, l’objectif est de parler d’un de ses plus grands films, première œuvre d’une saga longue de 26 films, La Légende de Zatōichi : Le Masseur Aveugle. Zatōichi est aujourd’hui un personnage bien connu de la culture japonaise. Tirée d’une nouvelle de 1961 écrite par Kan Shimozawa, cette histoire est adaptée l’année suivante par Kenji Misumi. Shintarō Katsu revêt la tenue du masseur aveugle, et se révèle aux yeux du Japon avec ce rôle par la même occasion. Misumi, quant à lui, avait déjà connu quelques succès avec ses précédents chambaras, et Zatōichi confirme sa position de grand artisan de ce genre, qu’il traitera encore de nombreuses fois au cours de sa carrière.

Le Masseur Aveugle pourrait être comparé à un autre film sorti la même année et de genre très opposé : Dr. No de Terence Young. Ce sont deux films comparables, puisqu’ils sont tous les deux le premier opus de leur saga respective et établissent de nombreux codes. Ainsi, ce Zatōichi met en place une ligne directive que la plupart des 25 films suivants suivront. Si vous ne le connaissez pas, Zatōichi est un masseur aveugle expert dans l’art du sabre, ayant par ailleurs des liens avec certains yakuzas. Il parcourt le Japon pour vendre ses services et, entre-temps, se retrouve à affronter divers adversaires.

Kenji Misumi a connu un grand succès, que ce soit avec Zatōichi ou d’autres œuvres ultérieures comme la saga des Baby Cart, La Lame Diabolique ou Bouddha. Ce succès est notamment dû à son travail très soigné en matière de mise en scène. Cela se ressent parfaitement dans le premier Zatōichi, un splendide chambara dont la mise en scène sera rarement égalée par ses successeurs. Misumi réalisera d’autres films de la saga, le 8e, le 12e, le 17e, le 19e et le 21e, et chacun de ces films prendra une dimension différente grâce au talent du réalisateur.

Le premier opus de la saga se distingue par une mise en scène très soignée. Misumi sait mettre en valeur ses protagonistes, notamment dans les scènes de combat. Une autre grande beauté du film réside dans son scénario d’une grande efficacité. Très peu de films de la saga Zatōichi dépassent l’heure et demie. Celui-ci dure 6 minutes de plus et présente un récit concis et efficace racontant simplement comment le masseur se retrouve au cœur d’un conflit entre deux gangs du village où il atterrit. Bien qu’il se déroule pendant la période Edo, Zatōichi est avant tout un film de yakuzas plutôt qu’un film de samouraïs.

Il met en scène une guerre entre deux clans au milieu de laquelle se retrouve le masseur. Cet opus met en scène des truands, des magouilleurs qui essaient d’attirer Zatōichi dans leur camp. Un jeu de manipulation se met en place tout au long du film autour de ce personnage en décalage avec son monde, exploitant son handicap pour tromper ses ennemis. La place du handicap de Zatōichi est omniprésente dans le récit, et le film critique la perception de la population japonaise envers les personnes handicapées. Le masseur erre seul, est parfois jugé, et on cherche à le piéger. Très peu de personnages sont positifs et l’aident réellement ici.

La Légende de Zatōichi ne traite pas tant du samouraï que du yakuza, de même qu’il n’est pas tant un chambara qu’une œuvre qui questionne le Japon de l’époque, mais aussi le pays actuellement (bien que l’auteur n’ait pas fait d’études de sociologie japonaise, cela nous paraît assez évident). Le Masseur Aveugle ne présente pas énormément d’affrontements, ni de sang ou de têtes tranchées. Pour trouver ces éléments, il faudra plutôt se tourner vers le Tuer, réalisé par Misumi quelques mois plus tard. Comme il a été mentionné, le long-métrage repose principalement sur le dialogue et les relations entre les différents personnages, des relations fragiles qui font douter de la sincérité de chacun.

Pour synthétiser tout cela, La Légende de Zatōichi : Le Masseur Aveugle, premier film de cette grande saga, est un chambara assez unique et plus proche du film de gangster. Il marque l’avènement d’un héros légendaire du cinéma japonais, avec 25 suites, de nombreux remakes (dont le Vengeance Aveugle de Philippe Noyce) et d’autres réadaptations, telles qu’Ichi où l’aveugle est une femme, ou encore l’adaptation théâtrale de la nouvelle par Takashi Miike. Les meilleurs films Zatōichi, selon nous (si vous ne voulez pas tous les voir, ça devient répétitif parfois), sont le 1er, le 7e, le 8e, le 14e, le 15e, le 18e, le 20e, le 21e, et bien évidemment, la sublime adaptation de Takeshi Kitano.

La Légende de Zatōichi : Le Masseur Aveugle de Kenji Misumi, 1h36, avec Shintarō Katsu, Masayo Banri, Ryuzo Shimada – Disponible en version restaurée dans le coffret blu-ray Misumi distribué par The Jokers Films et disponible le 22 novembre 2023.

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