[RETOUR SUR..] La Clepsydre – Surréalisme dans le cinéma Polonais

La Clepsydre, un film qui va plaire aux cinéphiles élitistes puisqu’il vient tout droit d’Europe de l’Est, plus particulièrement de Pologne et réalisé par l’un des plus grands cinéastes du pays, Wojciech Has. Il est indéniable que le cinéma polonais se démarque de nos conventions françaises. Les œuvres de Has, Żuławski, ou Kieślowski sont souvent plus intenses, oppressantes, et épuisantes. Cependant, elles partagent une caractéristique commune avec le cinéma soviétique : une mise en scène grandiose.

Ces traits distinctifs se retrouvent chez Has, notamment dans La Clepsydre, un film nébuleux, obscur et gothique qui prend son temps pour immerger le spectateur. L’intrigue est simple : Józef visite son père dans un sanatorium, mais il devient rapidement évident que quelque chose ne tourne pas rond dans cet établissement, l’entraînant dans son subconscient et son passé. Has se distingue dans son pays en raison de sa neutralité politique, contrairement à la plupart de ses pairs, qui soutenaient la doctrine communiste. Malgré cela, il a réalisé tous ses films en Pologne sans attirer l’attention du gouvernement, contrairement à Żuławski, par exemple. Cette situation découle probablement de sa préférence pour des films oniriques, souvent invitant au voyage, plutôt que de traiter directement de la Pologne contemporaine. La Clepsydre incarne cette vision, un film onirique et surréaliste explorant divers tableaux.

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Le dixième film du réalisateur est difficile à appréhender en raison de sa narration non conventionnelle, une caractéristique fréquemment présente dans le cinéma polonais. Le film se présente comme un enchaînement de tableaux distincts. Le titre du film, La Clepsydre, est en accord avec les intentions du réalisateur, soulignant la dimension temporelle de l’action tout en reléguant l’espace au second plan. Ainsi, le spectateur doit accepter un voyage se déroulant exclusivement dans les couloirs du sanatorium, mais qui le transporte dans le passé, aussi bien le sien que celui de son père, voire au XIXe siècle. Cette démarche rappelle celle de Tarkovski deux ans plus tard avec Le Miroir, qui cherchait également à éclater la narration, perdant délibérément le spectateur.

L’aspect visuel du film est remarquable, en particulier les transitions entre les différentes pièces et tableaux. Has fait preuve d’ingéniosité en utilisant des éléments tels que des oiseaux, l’empereur François-Joseph, ou en personnifiant des mannequins. Alors que dans La Poupée, un autre de ses chefs-d’œuvre sorti cinq ans plus tôt, Has employait des travellings impressionnants pour filmer les cadavres inanimés jonchant les rues polonaises, il les utilise ici pour exprimer la complexité des décors et des rêves extravagants qu’il met en scène. Le parallèle entre les cadavres de La Poupée et les mannequins de La Clepsydre est saisissant : les premiers sont des êtres humains ayant expiré ou sur le point de le faire, tandis que les seconds sont des humanoïdes filmés et traités comme s’ils étaient vivants.

Ces paragraphes, bien sûr, n’effleurent que la surface de ce que l’on pourrait découvrir dans La Clepsydre. Wojciech Has atteint un sommet en matière de mise en scène surréaliste et de rupture avec la narration conventionnelle. Il mérite certainement plusieurs visionnages, mais l’exploration de ses décors somptueux, surtout au cinéma, laissera une empreinte indélébile dans notre mémoire.

La Clepsydre de Wojciech Has, 2h04, avec Jan Nowicki, Tadeusz Kondrat, Irena Orska – Sorti en 2014.

9/10
Note de l'équipe
  • Alexei Paire
    9/10 Exceptionnel
    La Clepsydre mérite certainement plusieurs visionnages, mais l'exploration de ses décors somptueux, surtout au cinéma, laissera une empreinte indélébile dans notre mémoire.
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