Armé d’un pistolet et parcourant les rues ombragées d’une ville industrielle quelconque en écoutant RZA à fond, Ghost Dog n’est pas quelqu’un à qui l’on pense en pensant “samouraï”. Pourtant, en tant qu’individu vivant selon les règles du bushido et lisant religieusement le Hagakure, le guide spirituel du guerrier, Ghost Dog est une version moderne de l’archétype du samouraï. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il s’agit d’un choix intentionnel du réalisateur américain Jim Jarmusch, qui, lors d’une interview sur le film, a parlé de synthèse, suggérant que “l’Amérique est la fusion de nombreuses cultures différentes et que la beauté naît de cette fusion“. Cela explique l’autre ajout étrange à l’histoire : la pègre, qui est principalement composée de vieux hommes vieillissants et épuisés. Ghost Dog – La Voie du samouraï de Jarmusch est un film qui présente de nombreux genres et idées contradictoires, mais qui fonctionne comme un récit cohérent, ce qui lui confère une atmosphère particulière issue de son monde.
Forest Whitaker joue le rôle de Ghost Dog, un tueur à gages fidèle à son agent, Louie (John Tormey), un membre de la mafia qui lui a sauvé la vie des années auparavant. Après avoir laissé un témoin derrière lui après un coup réussi, les patrons de Louie ordonnent l’élimination de Ghost Dog, envoyant une série de mafieux empotés, inaptes et racistes pour tuer le samouraï évasif, stoïque et dégourdi. C’est le fil conducteur de cette histoire, mais ce sont les petits moments de Ghost Dog – La Voie du samouraï qui le rendent unique. Ghost Dog fait tournoyer son pistolet comme une épée avant de le ranger, un oiseau atterrit sur le canon du sniper de Ghost Dog, deux personnes se comprennent parfaitement alors qu’elles parlent des langues complètement différentes, même le caméo de RZA, quelque peu déplacé, s’intègre impeccablement au monde. Ces infimes détails semblent indescriptiblement communs et naturels dans le monde de Ghost Dog – La Voie du samouraï. Individuellement, tous ces événements pourraient sembler étranges, et dans n’importe quel autre film, ils conduiraient sûrement à un ton incohérent, mais grâce à la synthèse de Jarmusch, toutes ces idées s’accordent. Tout simplement, Ghost Dog – La Voie du samouraï n’est pas une comédie dramatique absurde de gangsters et de samouraïs hip-hop, mais tout simplement un film de Jarmusch, impossible à séparer en catégories individuelles, même si son iconographie spécifique le suggère.
Le héros de la transmission
En plus d’offrir un film multigenre complet et bien ficelé, Ghost Dog – La Voie du samouraï met également l’accent sur l’importance de l’art. En tant qu’amalgame de divers supports et motifs, le film de Jarmusch prouve d’abord que des histoires originales peuvent encore être créées à partir de genres et d’idées préexistants. Certaines scènes du film sont directement inspirées de films comme Violent Cop, mais Jarmusch combine sans effort tant d’influences avec son identité propre que le film reste entièrement distinctif. En outre, le récit lui-même démontre l’importance de transmettre l’art à la jeune génération. Ghost Dog prête des livres, aussi bien “Rashomon” que “Hagakure“, à une jeune fille, dans l’espoir de lui inculquer la même morale et la même sensibilité qu’il a acquises en les lisant. On pourrait supposer que, dans le même sens, Jarmusch souhaite que son film puisse inspirer les générations futures, tout comme les différents classiques qui l’ont inspiré.
Je sais que ce film peut être trop “original” pour certains, ou trop “discret” pour d’autres, mais pour moi, son mélange de tant d’idées et de genres fait de Ghost Dog – La Voie du samouraï est un film brillamment rafraîchissant et passionnant. Son ton est insaisissable, se situant quelque part entre la nostalgie, la mélancolie, la résignation et l’optimisme. Mais par-dessus tout, il ne ressemble à aucun autre film que vous avez vu auparavant, fonctionnant comme un véritable pastiche de tant de grandes œuvres du cinéma.
Ghost Dog – La Voie du samouraï disponible en (S)VOD, DVD et Blu-ray.
