Retour sur.. | Fear and Desire de Stanley Kubrick | 1h12 | Par Kimly del Rosario
En plein cœur d’une guerre fictive, perdus au fin fond d’on ne sait où, combattant on ne sait qui, des soldats se retrouvent livrés à eux-mêmes. Entre folie, trahison et survie, ces derniers vont tenter de regagner leur camp et de s’échapper du terrain ennemi sur lequel ils ont atterri. Fear and Desire est le premier long-métrage de Stanley Kubrick. Avec un budget de quelques milliers de dollars et financé en grande partie par ses proches, le tout jeune réalisateur nous emmène au fond de son imaginaire de cinéphile, dans ce film coécrit avec l’un de ses amis du lycée. Le film apparaît pour la première fois à l’écran en juin 1952 pour une projection technique, puis est projeté le 31 mars 1953 à New York ainsi que dans d’autres salles obscures du pays. Malgré des critiques favorables de la presse, le film finit pourtant par disparaître des écrans et demeure, pendant plusieurs années, une œuvre rare du réalisateur.

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À la suite d’un crash d’avion, un groupe de soldats qui « n’ont pour patrie que l’esprit » se retrouve en terrain ennemi. Dans cette fable située dans un espace-temps inconnu pour le spectateur, Kubrick nous immerge dans un contexte de guerre. Le film fut tourné au cours de l’été 1951 dans les alentours de Los Angeles, à San Gabriel, mais surtout au lendemain des deux conflits mondiaux. Malgré un succès aujourd’hui assez mitigé, il est nécessaire de replacer le cadre historique du film, qui joue un rôle évidemment majeur. Même s’il est précisé que nous assistons à un combat fictif entre deux nations inexistantes, le contexte d’après-guerre nous mène au cœur des conséquences psychologiques pour les soldats. Une idée qui nous est montrée au fil des minutes, non seulement par les actions de chacun, mais aussi par les récits intérieurs qui font la narration de l’histoire. Le thème de la guerre revient d’ailleurs régulièrement dans la filmographie du réalisateur : nous retrouverons quelques années plus tard Les Sentiers de la gloire, mais aussi Full Metal Jacket, ou encore Docteur Folamour, qui abordera cette fois-ci la guerre froide. Que ce soit dans Docteur Folamour ou dans Fear and Desire, la folie reste un sujet central, reflet des traumatismes. On retrouve dans ces deux films un dédoublement des personnages, où les protagonistes sont joués par les mêmes acteurs. D’abord nommé The Trap, puis The Shape of Fear, le premier long-métrage de Kubrick n’est pas une grande fierté pour lui et se retrouve victime d’une chasse aux copies. C’est la raison pour laquelle le film a longtemps été introuvable, non diffusé ni commercialisé. Ce n’est que récemment, au fil des dernières années, que l’une des rares copies survivantes a pu donner lieu à une restauration, puis à une commercialisation dans le monde. C’est au Festival Lumière que Fear and Desire paraît donc pour la première fois dans sa version d’origine, nous plongeant dans l’esprit et l’imaginaire du jeune cinéaste — malgré la maladresse qui compose son œuvre.
| Sorti le 31 mars 1953
